Procédures express et réduction des coûts de l’asile: et les droits humains dans tout cela?

Suisse, mai 2024 – Le Conseil fédéral a indiqué le 8 mai dernier son objectif d’économiser près de 700 millions de francs d’ici 2028 en réduisant le nombre de dossiers en suspens dans l’asile. Ce projet comprend la volonté d’accélérer les procédures (de renvoi) et d’augmenter l’accès à l’emploi (pour les personnes provenant d’Ukraine).

Et les autorités suisses ne se cachent pas de la direction choisie. Une semaine plus tôt, elles annonçaient que. Car pour accélérer les renvois, il faut savoir organiser efficacement les déportations…

Les autorités ne se cachent pas de la direction choisie: efficacité et renvois. Concernant les personnes étrangères hors asile, la Confédération annonçait une semaine plus tôt qu’elle participerait désormais aux frais d’exploitation des centres cantonaux de départ, en modifiant en ce sens de la LEI. Du côté de l’asile, le 10 mai, le SEM tirait un bilan positif de sa phase test de «procédure express»: «une procédure à la cadence très serrée dans le centre fédéral pour requérants d’asile (CFA) de Zurich, où il traite en 24 heures les demandes d’asile qui sont déposées par des personnes venant d’Afrique du Nord». Cette procédure concerne les demandes d’asile des personnes provenant de cette région qui n’auraient «aucune chance d’aboutir» (voir notre brève).

Le fondement même du droit d’asile n’est-il pas remis en question, quand le droit de voir sa demande d’asile dûment examinée varie en fonction de l’origine de la personne? En tous les cas, avec de telles accélérations, les droits humains sont mis en péril, et ce n’est pas nouveau. Comme le rappelle la Dre Durieux des Hôpitaux Universitaires Genevois, «[…] la procédure d’asile, restructurée en 2019 afin d’être plus efficace et équitable, fait l’objet d’un bilan mitigé s’agissant en particulier de mon domaine, les soins de santé.».

Sources: admin.ch «Centres cantonaux de départ : la Confédération pourra participer aux coûts», 01.05.2024 ; admin.ch, «Un train de mesures pour réduire les coûts dans le domaine de l’asile», 08.05.2024 ; admin.ch, «Les mesures visant à désengorger le système de l’asile font leurs preuves», 10.05.2024 ; le Courrier, «Le SEM satisfait des procédures express», 13.05.2024 ; 20 minutes, «Berne vante l’efficacité des procédures en 24 heures», 10.05.2024.  

Voir également: ODAE romand, «Projet pilote pour accélérer les renvois», brève, 27.11.2023 ; le Temps, «Avec ses procédures express, Elisabeth Baume-Schneider fâche la gauche sans convaincre la droite dure», 23.11.2023.

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Quatre ans de procédure pour se voir reconnaître son statut de victime de violences domestiques

Arrivée en Suisse en 2018 à la suite de son mariage avec un ressortissant suisse, Amanda* est rapidement victime de violences domestiques. À la suite de la séparation du couple, et malgré les documents attestant des violences subies par Amanda* ainsi que de ses craintes, fondées, de représailles de sa belle-famille en cas de retour, le SEM refuse de renouveler son autorisation de séjour et prononce son renvoi vers le Sri-Lanka. Amanda* dépose un recours au TAF contre cette décision. En août 2023, le TAF lui donne raison : il annule la décision du SEM et ordonne l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur d’Amanda* sur la base de l’art. 30 LEI qui permet de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte de cas individuels d’une extrême gravité (F-2969/2020). Le TAF que reconnait les violences domestiques subies par Amanda* – que le SEM avait minimisées, voire niées – et leurs conséquences sur son état de santé, tout comme les difficultés de réintégration en cas de retour au pays d’origine, constituent des éléments suffisants pour admettre la prolongation de son séjour en Suisse.
Cas individuel — 10/09/2024

Un couple avec enfant doit se battre pour se voir reconnaître son droit au mariage et au regroupement familial

Kayden* est originaire d’Angola et arrive en Suisse à l’âge de 5 ans. Jusqu’en 2015, il bénéficie d’un permis B, qu’il perd en 2016 suite à plusieurs infractions pénales. Kayden* a un fils né en 2014. Il se met en ménage avec Valérie, ressortissante suisse. En 2021, Valérie* est enceinte et le couple fait une demande d’autorisation de séjour pour Kayden* en vue de leur mariage, mais le Service de la population du canton de Fribourg (SPoMI) refuse la demande et prononce le renvoi de Suisse. La décision est motivée par le fait que Kayden* a transgressé à plusieurs reprises la loi, que son intégration économique serait un échec et que sa relation avec son fils se limiterait à l’exercice d’un droit de visite. Kayden* dépose un recours contre cette décision au près du Tribunal cantonal (TC). Le couple devra attendre jusqu’en octobre 2022 pour que le TC admette le recours de Kayden*. Le TC reconnait que rien ne permet de douter des intentions matrimoniales des fiancé·es et qu’un renvoi en Angola priverait les enfants du lien avec leur père. Il considère en outre qu’il serait disproportionné d’exiger le retour du recourant en Angola, pays qu’il a quitté à l’âge de cinq ans et qu’il ne connait pas, pour revenir en Suisse une fois le mariage conclu. Le TC annule donc la décision du SPoMI et l’invite à délivrer à Kayden* une autorisation de séjour en vue du mariage.
Cas individuel — 13/02/2024

Décès d’un jeune demandeur d’asile: la responsabilité directe des autorités suisses

Cas 459 / 13.02.2024 Alam* arrive en Suisse à 17 ans et demande l’asile après avoir vécu des violences en Grèce où il a reçu protection. Les autorités suisses prononcent une non-entrée en matière et son renvoi, malgré des rapports médicaux attestant de la vulnérabilité d’Alam*. Celui-ci met fin à ses jours à la suite du rejet de son recours par le TAF.
Cas individuel — 21/06/2023

Une famille afghane NEM était tiers sûr vers la Grèce obtient néanmoins une admission provisoire

Zoya* et Yanis* bataillent 16 mois contre une non-entrée en matière était tiers sûr Grèce, alors que la famille connait de nombreux problèmes de santé psychologique et des violences conjugales. Finalement, le SEM leur délivre une admission provisoire.