Nouveau Pacte européen: un pas plus loin hors de l’asile?

Monde, 14 mai 2024 – Les pays membres de l’Union européenne ont adopté un nouveau pacte migratoire le 10 avril dernier, devant permettre d’organiser les demandes d’asile sur le continent. Une vaste réforme en 10 textes juridiques, que des associations comme Solidarité sans frontières dénoncent comme un durcissement du contrôle de l’immigration en Europe: détention à toutes les étapes du parcours migratoire (dans et en bordure d’Europe), facilitation des renvois y compris pour les mineurs, procédures accélérées aux frontières, renforcement de la coopération avec des États tiers dits sûrs, …

L’association Gisti (Groupe d’Information et de Soutien aux Travailleurs Immigrés) en France, dénonce ce pacte comme privilégiant: “à travers un dispositif d’une extrême technicité, d’une part la dissuasion en amont des arrivées irrégulières de personnes étrangères en Europe, d’autre part des procédures renforcées de contrôle et de tri aux frontières en vue d’en expulser le plus grand nombre, et enfin la répartition autoritaire de celles qui seraient reconnues comme éligibles à l’asile au sein des États membres volontaires, les autres pouvant s’affranchir de cette obligation à travers un système complexe de compensation financière hypocritement nommé «mécanisme de solidarité».

Le Pacte généralise «l’approche hotspot», expérimentée depuis 2015 en Grèce et en Italie et dont les conséquences ont été maintes fois dénoncées par les associations. L’application de procédures expéditives, soumises à des délais intenables en pratique, aura pour conséquences inévitables le déni du droit d’asile et la massification de la détention aux frontières extérieures de l’Europe.

En intensifiant la logique du tri, de l’enfermement et de l’exclusion, le Pacte traduit l’obstination de l’UE à faire prévaloir la protection de ses frontières sur la protection des exilé⋅es, au mépris de leurs droits fondamentaux.

La Suisse est concernée par ce pacte notamment dans le cadre de la reprise de l’acquis Schengen/Dublin. Ce pacte devrait entrer en vigueur en juin 2026.

Sources: Solidarité sans frontières, «Le RAEC: Le Régime Anti-asile d’une Europe Cloisonnée», bulletin n°2, 01.06.2024 ; gisti.org, «Tout savoir sur le “Nouveau Pacte sur la migration et l’asile” de l’Union européenne», 14.06.2024 ; Le Temps, «Le Pacte européen sur l’asile est adopté, mais plus de la moitié de l’UE exige des mesures plus drastiques», 12.06.2024 ; RTS.ch, «L’UE adopte définitivement un pacte migratoire, avec des conséquences pour la Suisse», 14.05.2024 ; The Migration Papers, «Beyond the Migration Pact: Europe cranks up the externalisation of migration», mai 2024 ; le Monde, «Pacte européen sur la migration et l’asile: “Un continuum de l’enfermement attend désormais les exilés”», 06.05.2024 ; asile.ch, «Point presse migration 23.05.24 | Pacte européen sur la migration: contenu, nouveautés et impact pour la Suisse», 17.05.2024 ; asile.ch, «Décryptage | Pacte migratoire européen. Une guerre larvée anti-migrant·es», 10.04.2024 ; le Courrier, «Funeste pacte migratoire», 10.04.2024.

Voir également: ODAE romand, «Un projet de Pacte européen sur la migration et l’asile aux relents sécuritaires», brève, 09.11.2023.

Cas relatifs

Cas individuel — 10/09/2024

Un couple avec enfant doit se battre pour se voir reconnaître son droit au mariage et au regroupement familial

Kayden* est originaire d’Angola et arrive en Suisse à l’âge de 5 ans. Jusqu’en 2015, il bénéficie d’un permis B, qu’il perd en 2016 suite à plusieurs infractions pénales. Kayden* a un fils né en 2014. Il se met en ménage avec Valérie, ressortissante suisse. En 2021, Valérie* est enceinte et le couple fait une demande d’autorisation de séjour pour Kayden* en vue de leur mariage, mais le Service de la population du canton de Fribourg (SPoMI) refuse la demande et prononce le renvoi de Suisse. La décision est motivée par le fait que Kayden* a transgressé à plusieurs reprises la loi, que son intégration économique serait un échec et que sa relation avec son fils se limiterait à l’exercice d’un droit de visite. Kayden* dépose un recours contre cette décision au près du Tribunal cantonal (TC). Le couple devra attendre jusqu’en octobre 2022 pour que le TC admette le recours de Kayden*. Le TC reconnait que rien ne permet de douter des intentions matrimoniales des fiancé·es et qu’un renvoi en Angola priverait les enfants du lien avec leur père. Il considère en outre qu’il serait disproportionné d’exiger le retour du recourant en Angola, pays qu’il a quitté à l’âge de cinq ans et qu’il ne connait pas, pour revenir en Suisse une fois le mariage conclu. Le TC annule donc la décision du SPoMI et l’invite à délivrer à Kayden* une autorisation de séjour en vue du mariage.
Cas individuel — 13/02/2024

Décès d’un jeune demandeur d’asile: la responsabilité directe des autorités suisses

Cas 459 / 13.02.2024 Alam* arrive en Suisse à 17 ans et demande l’asile après avoir vécu des violences en Grèce où il a reçu protection. Les autorités suisses prononcent une non-entrée en matière et son renvoi, malgré des rapports médicaux attestant de la vulnérabilité d’Alam*. Celui-ci met fin à ses jours à la suite du rejet de son recours par le TAF.
Cas individuel — 01/01/2024

Harcelée en Croatie, une famille est menacée d’y être renvoyée

En 2019, Romina* et Khaleel* quittent l’Afghanistan avec leur fille (Emna*), encore mineure et leurs trois fils majeurs. Ils demandent l’asile en Suisse en octobre 2020, après être passé∙es par la Croatie. La famille raconte avoir tenté de passer la frontière entre la Bosnie et la Croatie à plus de 15 reprises, avoir été arrêté∙es par les autorités croates puis maltraité·es, volé·es, déshabillé·es et frappé·es. En février 2020, le SEM rend une décision NEM Dublin. Le mandataire d’Ehsan* et Noura* dépose un recours au TAF contre la décision du SEM. En avril 2021, le SEM annule sa décision de NEM Dublin pour le second fils et sa famille, qui reçoivent une admission provisoire. En juillet 2021, le TAF prononce les arrêts qui rejettent respectivement les recours de Moussa*, de Ehsan* et Noura* et de Romina* et Khaleel*.
Cas individuel — 20/12/2011

Une rescapée de Srebrenica est renvoyée
malgré de graves problèmes psychiques

« Halida », rescapée du massacre de Srebrenica, demande l’asile en Suisse en 2000 alors qu'elle a à peine 18 ans. 11 ans plus tard, malgré ses troubles psychiques et la naissance d'un bébé, l’ODM puis le TAF vont prononcer son renvoi (et celui de son nouveau-né) vers la Bosnie. Elle n'y a pourtant quasiment plus de repères ni de réseau familial ou social.