Marié à un homme en Europe, il doit d’abord retourner en Libye pour pouvoir demander le regroupement familial

L’arrêt M.E. c. Suède de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CourEDH) vient étoffer la jurisprudence sur les persécutions liées à l’orientation sexuelle. La Cour a jugé qu’il n’était pas disproportionné de demander à un homosexuel de dissimuler son orientation sexuelle pendant quelques mois, en attendant d’obtenir le regroupement familial dans un pays où l’homosexualité est sanctionnée pénalement.

Le cas concerne un requérant d’asile libyen qui, après avoir demandé l’asile pour des motifs politiques, s’est marié avec un homme en Suède. Selon la législation suédoise, une personne se trouvant sans statut légal en Suède qui se marie à une personne ayant un droit de séjour doit être renvoyée dans son pays pour y introduire ensuite une demande de regroupement familial. Sa demande d’asile ayant été rejetée, le requérant devait donc rentrer en Libye pour effectuer cette démarche, bien qu’il ait fait valoir que, étant homosexuel, il courait des risques dans ce cas de figure. La CourEDH a estimé que le requérant pouvait raisonnablement rester discret sur son orientation sexuelle dans son pays pendant quelques mois, en attendant la décision sur son droit de séjour en Suède, sans que cela constitue une violation des articles 3 et 8 CEDH (mauvais traitements et respect de la vie privée et familiale).

Dans cette affaire, ILGA-Europe (International lesbian, gay, bisexual, trans and intersex association), la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et la Commission internationale des juristes avaient soumis des rapports indépendants à la CourEDH, argumentant que demander à un homosexuel de dissimuler son orientation sexuelle pour éviter une persécution est une violation de ses droits fondamentaux, même si cela concerne seulement une période limitée. L’opinion dissidente de la juge Power-Forde va dans le même sens.

Source : CourEDH, arrêt M.E. c. Suède, 26 juin 2014.

Cas relatifs

Cas individuel — 31/05/2022

Une personne homosexuelle menacée de renvoi gagne à Strasbourg

Après divers refus d’asile en Suisse et un refus de regroupement familial, Banna*, homosexuel, dépose un recours auprès de la CourEDH. Cette dernière admet le recours, épingle l’évaluation insuffisante des tribunaux suisses.
Cas individuel — 10/04/2014

Il doit aller jusqu’au TF pour pouvoir élever sa fille suissesse

« Jalil » et sa femme suissesse se séparent après 6 années de relation dont 1 an de mariage. Malgré la très étroite relation qu’il conserve avec leur fille âgée de 6 ans et sa bonne intégration, il devra faire recours jusqu’au TF pour obtenir la prolongation de son permis de séjour.
Cas individuel — 03/01/2013

L'ODM nie la jurisprudence fédérale et renvoie un enfant ressortissant européen

Mariée à un ressortissant français depuis 2005, « Ivana » s’installe en Suisse et y occupe divers emplois. Après le prononcé de son divorce et malgré son indépendance financière, elle se voit refuser le regroupement familial qui découle du droit de séjour de son fils, ressortissant communautaire. Dans son argumentaire, l’ODM nie l’évolution de la jurisprudence du TF.
Cas individuel — 19/01/2011

Refus de permis pour le père de deux
enfants qui vivent en Suisse

En 1992, « Yunus », un turc qui vit en Suisse depuis 8 ans, se marie avec une suissesse avec laquelle il a une fille. Après un divorce en 1996, il repart en Turquie. En 2002, il revient illégalement et son fils de 5 ans, né d’un second mariage, le rejoint en 2003. En 2010, un permis humanitaire pour vivre avec ses deux enfants en Suisse lui est refusé.