L’ONU préoccupée par l’absence de protection des femmes migrantes victimes de violence conjugale

Le Comité de l’ONU pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes est
chargé de contrôler la mise en œuvre de la CEDEF, Convention du même nom. C’est
ce qu’il a fait lors de l’examen de la Suisse en 2022 et son sixième rapport a été publié
fin octobre.
Le Comité se dit préoccupé que « les femmes dont le statut de séjour est lié à celui de
leur mari et qui quittent cette relation en raison de violences domestiques peuvent,
sous certaines conditions, prolonger leur autorisation de séjour seulement si leur
mari est un ressortissant suisse ou un titulaire d’un permis d’établissement, et seule-
ment si les violences atteignent un seuil de gravité strict » (Sixième rapport du CEDAW, paragraphe 41 e, p. 9).
Les recommandations faites à la Suisse afin de respecter les droits prévus par la
CEDEF sont claires. Le Comité recommande de « modifier l’article 50 de la LEI afin
de garantir que toutes les femmes victimes de violences domestiques ou sexuelles
puissent quitter leur conjoint violent sans perdre leur statut de séjour, indépendam –
ment de la gravité des violences subies et de la nationalité ou du statut de résidence de
leur conjoint » (op. cit., paragraphe 42 f). Ceci permettrait à la Suisse de lever la réserve émise à l’art. 59 de la
Convention d’Istanbul. Le Comité recommande également de renforcer les capacités
des services d’immigration (ibid.).
Un signal clair est ainsi donné par ce comité des Nations Unies au vu de la situation
préoccupante et des droits humains bafoués pour les victimes étrangères. Ces recom-
mandations seront-elles suivies par la Confédération?

Sources : Committee on the Elimination of Discrimination against Women, « Concluding observations on the sixth periodic report of Switzerland », 31.10.22

Cas relatifs

Cas individuel — 11/12/2024

«Je n’en pouvais plus, je ne savais plus vers qui me tourner. Je suis allée porter plainte mais la police m’a arrêtée pour séjour illégal.»

Dora* arrive en Suisse sans statut de séjour en mai 2022 et rencontre Jorge*, originaire d’Espagne, à Genève. Après deux ans de harcèlement et de menaces proférées par Jorge* à son encontre, elle finit par se rendre dans un commissariat de la police cantonale genevoise pour déposer plainte. La police lui indique qu’il n’y a pas matière à enregistrer une plainte, mais qu’elle doit en revanche rendre des comptes pour son séjour illégal. Dora* est alors détenue une nuit et auditionnée par le Ministère public le lendemain. Compte tenu de sa décision de quitter volontairement le territoire, les autorités classent la procédure. Sa plainte à l’encontre de Jorge* n’est jamais enregistrée. Fin décembre 2024, Dora* quitte définitivement la Suisse, sans avoir pu obtenir justice.
Cas individuel — 29/10/2024

Quatre ans de procédure pour se voir reconnaître son statut de victime de violences domestiques

Arrivée en Suisse en 2018 à la suite de son mariage avec un ressortissant suisse, Amanda* est rapidement victime de violences domestiques. À la suite de la séparation du couple, et malgré les documents attestant des violences subies par Amanda* ainsi que de ses craintes, fondées, de représailles de sa belle-famille en cas de retour, le SEM refuse de renouveler son autorisation de séjour et prononce son renvoi vers le Sri-Lanka. Amanda* dépose un recours au TAF contre cette décision. En août 2023, le TAF lui donne raison : il annule la décision du SEM et ordonne l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur d’Amanda* sur la base de l’art. 30 LEI qui permet de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte de cas individuels d’une extrême gravité (F-2969/2020). Le TAF que reconnait les violences domestiques subies par Amanda* – que le SEM avait minimisées, voire niées – et leurs conséquences sur son état de santé, tout comme les difficultés de réintégration en cas de retour au pays d’origine, constituent des éléments suffisants pour admettre la prolongation de son séjour en Suisse.
Cas individuel — 18/08/2022

Alors que le mari violent est expulsé de Suisse, sa femme et son fils sont également renvoyés de Suisse

Mariée avec un ressortissant européen, Marwa* subit des violences de sa part et est sous son emprise pendant plusieurs années. C’est seulement une fois que le mari est expulsé de Suisse pour de graves infractions pénales qu’elle parvient à le quitter. Nonobstant les violences subies, les autorités refusent d’octroyer à Marwa* et à son fils un permis de séjour autonome et prononcent leur renvoi vers un pays où le père peut facilement les retrouver.
Cas individuel — 02/10/2012

Renvoi d’une victime de violences conjugales
et de sa fille scolarisée depuis 9 ans en Suisse

Au bénéfice d’un permis B par mariage, « Carmen » fait venir en 2003 sa fille « Vanessa », alors âgée de 6 ans. 9 ans plus tard, suite au deuxième divorce de « Carmen » dû à des violences conjugales, les autorités cantonales décident de les renvoyer, au mépris de l’intérêt supérieur de l’adolescente et des violences subies par sa mère.