Limitation de la liberté de voyager pour les permis F

Le Conseil fédéral vient d’annoncer l’entrée en vigueur, dès le 1er décembre 2012, de la révision totale de l’ordonnance sur l’établissement de documents de voyage pour étrangers (ODV).

Elaborée par l’Office fédéral des migrations (ODM), cette nouvelle ordonnance restreint la liberté de voyager des personnes au bénéfice d’une admission provisoire (permis F), puisque ces dernières ne pourront plus se rendre hors de Suisse sans en avoir au préalable obtenu l’aval des autorités. Afin de prétendre à cette autorisation – sous la forme d’un document de voyage ou d’un visa de retour – il leur faudra prouver qu’elles remplissent l’un des quatre motifs de voyage prévu à l’article 9 alinéa 1 ODV, tel que le décès ou la maladie grave d’un proche parent.

En ce qui concerne les voyages dont les motifs ne sont pas spécifiquement énoncés à l’art.9 al.1 ODV, seules les personnes admises à titre provisoire depuis plus de trois ans et faisant preuve d’une « bonne intégration » pourront y prétendre, à condition de ne quitter la Suisse qu’une fois par an et pour un séjour ne dépassant pas les 30 jours (art.9 al.4 ODV). Les personnes remplissant ces critères devront encore démontrer qu’elles ne dépendent pas de l’aide sociale, sous peine de se voir refuser la délivrance des documents nécessaires. Ainsi, une personne admise provisoirement désirant se rendre quelques jours en France voisine pour y visiter des parents éloignés ne pourra le faire qu’à la condition d’être financièrement indépendante, bien intégrée et en possession de son permis F depuis au moins trois ans.

Quoi qu’il arrive, un voyage dans l’état d’origine ne sera autorisé qu’à titre exceptionnel pour raisons humanitaires et dans des cas « dûment justifiés ».

L’ODAE romand a documenté des situations où de telles limitations du droit de voyager, en vigueur de 2004 à mars 2010, avaient entrainé des conséquences problématiques sur le plan humain. Voir les cas de « Makaya » et « Danica ».

Source : communiqué du Département fédéral de justice et police « Liberté de voyager restreinte pour les personnes admises à titre provisoire » du 14 novembre 2012.

Cas relatifs

Cas individuel — 08/12/2025

Victime de mariage forcé et de traite, elle est menacée de renvoi

Mariée de force à 15 ans, Albina* subit des violences conjugales répétées. Elle donne naissance à une fille en 2007. En 2013, elle est séquestrée en Grèce et contrainte à se prostituer. Elle parvient à divorcer en 2014. En janvier 2017, elle arrive en Suisse où elle débute une relation avec Mustafa*, qui devient vite marquée par des violences physiques. En décembre 2018, après une violente agression, elle parvient à alerter la police. Mustafa* est expulsé du domicile. Albina* est prise en charge dans un foyer pour victimes de violences conjugales. En septembre 2019, Mustafa* est condamné pour lésions corporelles et injures et Albina* pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.
Cas individuel — 08/10/2024

Coincé en Suisse sans liberté de mouvement parce que le SEM et le TAF estiment qu’il n’a pas su prouver son identité

Félicien*, originaire du Soudan du Sud, vit en Suisse au bénéfice d’un permis B (Cas de rigueur), obtenu à la suite d’un accident qui l’a rendu paraplégique. Bien qu’enregistré par le SEM comme ressortissant soudanais, Félicien* n’a aucune pièce d’identité ni autre document d’état civil national démontrant son origine: il lui est donc impossible de voyager. Après avoir en vain tenté de se faire établir un passeport soudanais, il demande un passeport pour étrangers auprès des autorités suisses. Le SEM rend une décision négative à sa demande, au motif qu’il est de la responsabilité de Félicien* de démontrer son identité. Saisi par recours, le TAF confirme la décision du SEM, considérant que Félicien* n’a pas démontré que les autorités de son pays d’origine auraient prononcé à son endroit un refus formel, définitif et infondé.
Cas individuel — 03/10/2024

"Avec les limites du permis F, je ne me sens pas complet"

Salih*, né en 1999 en Érythrée, arrive en Suisse en 2015, à l’âge de 16 ans. Il demande l’asile sans documents d’identité et reçoit un permis F en 2017. Il apprend le français et obtient un AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) puis un CFC (certificat fédéral de capacité) de peintre en bâtiment. Malgré ses efforts d’intégration, ses demandes de transformation de son permis F en permis B sont systématiquement rejetées par le Secrétariat d’État aux migrations en raison de l’absence de documents d’identité officiels. Les autorités suisses lui demandent à plusieurs reprises de se procurer ces documents auprès de l’ambassade d’Érythrée, mais Salih* refuse de s’y rendre, craignant pour sa vie en raison de ses critiques à l’égard du gouvernement érythréen. Une situation qui le place dans une impasse.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.