Les juges vaudois reconnaissent le droit d’une famille à être à nouveau réunie en Suisse après 7 années de séparation

Dans un arrêt du 20 octobre 2014, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) a avancé une interprétation intéressante des critères permettant un regroupement familial différé (art. 47 al. 4 LEtr) d’une famille séparée pendant plusieurs années après avoir vécu ensemble en Suisse.

Il s’agit du cas d’un couple turc ayant vécu ensemble en Suisse de 1997 à 2007. De leur union sont issus deux enfants nés en 1999 et 2004. En 2007 le couple se sépare et Mme et les enfants retournent vivre en Turquie. Une nouvelle demande de regroupement familial est formulée en 2013 en faveur de la mère et des deux enfants. La famille évoque notamment le fait que les enfants, alors âgés de 9 et 14 ans, souffrent de cette séparation.
Selon les juges vaudois, la jurisprudence restrictive en matière de regroupement familial hors délai concerne généralement un regroupement familial partiel – c’est-à-dire lorsqu’un enfant qui était jusqu’alors gardé par un parent ou autre membre de la famille à l’étranger souhaite rejoindre son parent résidant en Suisse. Afin d’admettre ce type de regroupement, il faut généralement que soit survenu « un changement important de circonstances, notamment d’ordre familial ».

En l’occurrence, la situation est tout autre. Pour la CDAP, il est « manifestement dans l’intérêt des enfants de pouvoir vivre avec les deux parents dans une famille réunie, ce d’autant plus que la famille a déjà vécu ensemble et que le regroupement s’effectue dans le pays où cette vie commune a eu lieu et où les enfants sont nés et ont passé les premières années de leur vie ». Le regroupement hors délai doit donc être admis à la fois au titre de l’art. 8 CEDH (droit à la vie privée et familiale) et pour raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEtr), indépendamment du fait que la mère et les enfants vivent depuis 7 ans en Turquie et qu’aucun changement important de circonstances au sens de la jurisprudence n’est invoqué. Par ailleurs, le père de famille étant arrivé en Suisse en 1981 alors qu’il était lui-même âgé de 15 ans, il serait disproportionné d’exiger de lui qu’il reparte en Turquie afin que la famille puisse de nouveau être réunie.

Il convient de noter également que la Cour n’a pas exclu que dans des circonstances telle que celle-ci l’on puisse se passer de l’application stricte des délais en matière de regroupement familial (art. 47 LEtr).

Les visas d’entrée ayant d’ores et déjà été émis, ni le SPOP ni l’ODM n’ont jugé bon de faire recours contre cette décision.

Source : CDAP, affaire PE.2014.0291, arrêt du 20 octobre 2014

Cas relatifs

Cas individuel — 24/07/2025

Reconnue invalide, elle reçoit une révocation d’autorisation de séjour et un refus de regroupement familial

Ximena* arrive en Suisse en septembre 2019. Elle trouve un emploi à 100%, et obtient, sur cette base, un permis B UE/AELE. Peu de temps après, elle dépose une demande de regroupement familial en faveur de son mari et de ses fils, âgés respectivement de 12 et 5 ans. En mars 2020, par suite d’un AVC, elle se retrouve en incapacité totale de travail. Malgré la reconnaissance de son invalidité par l’AI qui lui octroie une rente, les autorités migratoires lui refusent le droit de demeurer au motif que Ximena n’avait pas résidé en Suisse au moins deux ans avant la survenance de son invalidité. Son permis est ainsi révoqué et la demande de regroupement familial déposée en faveur de ses enfants des années plus tôt est refusée (l’époux est entre-temps retourné en Espagne suite à leur divorce). Tous les trois doivent quitter la Suisse.