Le CAT épingle la Suisse pour sa culture du soupçon en matière d’asile

15.12.2022, Suisse – Le Comité contre la torture (CAT) reconnait que la procédure d’asile d’un jeune avocat originaire du Zimbabwe, défendu par le CSDM, avait souffert d’importants vices de procédures. Le Comité reproche en effet au SEM d’avoir rejeté les diverses preuves apportées par le requérant au motif qu’il s’agissait de «documents de complaisance (…) facilement falsifiables», sans entreprendre la moindre démarche pour les authentifier. Le TAF avait entièrement suivi les conclusions du SEM (arrêt D-4569/2019).

Dans sa décision, le CAT dénonce une «appréciation anticipée et sommaire des arguments du requérant […]», ce qui constitue «un manquement à l’obligation de procédure d’assurer l’examen effectif, indépendant et impartial requis par l’article 3 de la Convention» (§ 8.7, p. 15). Comme l’explique le CSDM, cet arrêt entérine le partage du fardeau de la preuve entre le requérant et les autorités d’asile dès lors que ces dernières sont en présence d’allégations défendables: «si ce critère est rempli, les instances nationales doivent faire preuve de la diligence requise […]. Cette obligation peut entrainer, selon les circonstances, un devoir de procéder à des actes d’instruction pour établir certains faits et/ou dissiper des éventuels doutes quant aux risques allégués» (communiqué du 14.12.2022).

En outre, le CAT condamne également l’exigence du paiement des frais de procédure alors que le requérant se trouvait dans une situation financière précaire, considérant que cela l’avait «privé de la possibilité de s’adresser à la justice afin de voir son recours examiné par les juges du Tribunal administratif fédéral».

Sources: CAT, B.T.M c. Suisse,  972/2019, 09.12.2022 ; arrêt du TAF D-4569/2019 du 27.09.2019; communiqué du CSDM du 14.12.2022

Cas relatifs

Cas individuel — 19/09/2018

Le SEM met en doute le récit et prononce le renvoi d’un Érythréen de 19 ans

Arrivé comme MNA, « Bereket » est entendu sur ses motifs d’asile deux ans après avoir déposé sa demande. Pour le SEM, ses propos manquent de détails et de consistance. Le SEM qualifie son récit d’invraisemblable, lui refuse l’asile et prononce son renvoi vers l’Erythrée.
Cas individuel — 22/09/2016

Victime de torture, il frôle le renvoi à cause d’un mauvais établissement des faits

Victime de torture par les autorités tchétchènes, « Mourvan » vit caché pendant trois ans, avant de fuir avec sa famille lorsque divers indices lui font craindre qu’il a été repéré. Pourtant le SEM et leTAF estiment qu’il ne court aucun risque et rejettent sa demande d’asile. Il faudra une nouvelle expertise menée par une ONG pour que le SEM revienne sur sa décision.
Cas individuel — 21/04/2011

Il obtient l'asile après avoir frôlé le renvoi
faute de pouvoir payer une avance de frais

Après le refus de sa demande d’asile par l'ODM en 2010, « Kofi » recourt devant le TAF. Celui-ci, malgré les moyens de preuves pertinents déposés, considère que le recours est voué à l’échec et réclame 600 frs d’avance de frais. « Kofi » ne peut pas payer. Plus tard, ayant réussi à réunir de nouvelles preuves, il demande à l’ODM de reconsidérer son cas, et finit par obtenir l’asile.
Cas individuel — 24/08/2009

Obtenir des papiers est impossible, mais ce n’est pas une excuse

Un requérant d’asile doit présenter une carte d’identité ou un passeport lors du dépôt de sa demande, sous peine de la voir frappée de non entrée en matière (NEM). L’Ouganda, explique « William », ne délivre pas de carte d’identité, et les passeports y sont réservés aux privilégiés. Excuse rejetée.