Labyrinthe administratif des ambassades suisses et entrave au regroupement familial

Suisse, 08.08.2023 – Dans un article du Courrier au sujet des ambassades, deux familles racontent les difficultés rencontrées pour obtenir le regroupement familial en Suisse.

Pour rejoindre son mari qui vit en Suisse et qui a le droit de faire venir sa famille, Zuhra* a dépensé 10’000 francs et a attendu une année et demie avant de pouvoir atterrir sur le sol helvétique. A l’époque, elle vivait en Afghanistan avec ses 4 enfants et après la prise des talibans en août 2021, elle a dû se procurer plusieurs documents avec des complications énormes. Certains documents devaient être traduits, d’autres n’existent pas en Afghanistan et d’autres devaient être validés par le Ministère des affaires étrangères taliban que la Suisse ne reconnaît pas. Quand elle s’est rendue à l’ambassade suisse à Islamabad, les files interminables et les procédures de contrôles ne lui ont pas permis d’arriver à temps et elle a raté le rendez-vous. Elle a dû ainsi rentrer chez elle et attendre encore 2 mois. Entretemps, les visas de la famille pour le Pakistan ont expiré et ce n’est qu’en janvier 2023 qu’elle a enfin obtenu la validation de son dossier.

Cette histoire nous parvient de Sarah Vincent, juriste à l’association Elisa-asile, qui a lancé un programme spécialisé dans le regroupement familial. Michele*, qui a un statut de réfugié en Suisse, et Samia*, qui avait un statut de réfugiée au Soudan, ont officialisé leur union en 2018, mais iels n’ont pu cohabiter qu’en avril 2023. Entretemps, un enfant est né loin de son père. Malgré le fait que Samia* était une réfugiée statutaire au Soudan, la Suisse lui a demandé un passeport érythréen, ce qui est illégal. Après beaucoup de temps et l’intervention de l’UNHCR, Samia* a pu obtenir un document de voyage délivré par les autorités soudanaises mais, une fois le bébé né, il était devenu impossible d’obtenir un passeport pour le nouveau-né. Ce n’est qu’une année plus tard que les autorités helvétiques décident d’octroyer un laissez-passer pour le bébé.

Selon le porte-parole du DFAE Pierre-Alain Eltschinger: «Les ambassades n’ont pas de marge de manœuvre». Il explique qu’elles doivent respecter les directives émises par les départements fédéraux et cantonaux qui, à leur tour, dépendent de l’administration fédérale et, plus précisément, du SEM et de l’Office fédéral de l’Etat civil. Certains documents peuvent être «spécifiques à un pays» et une éventuelle vérification par «une personne de confiance» qui voyage dans le lieu en question pour contrôler les informations obtenues se justifie dans les cas où les requérant·exs sont originaires des pays avec un risque de falsification élevé.  Les doutes de la presse restent pourtant d’actualité dans ces cas, car un regroupement familial qui remplit toutes les conditions posées par le cadre légal ne devrait pas durer 5 ans.

Pour plus d’informations, voir le dossier Panorama «Ambassades suisses: zones de non-droit?» Mai 2023 – N° 5.

Sources : Le Courrier, «Familles malmenées», 08.08.23.

Voir également : ODAE romand, «L’ambassade de Suisse au Soudan entrave une vie de famille», cas, 18.07.2023 ; ODAE romand, «Ambassade de Suisse à Rabat – un refus de visa cruel, contraire aux avis médicaux et qui bafoue l’intérêt supérieur de l’enfant», cas, 27.06.2023 ; ODAE romand, «Ambassade de Suisse au Pakistan – le regroupement d’une famille retardé par des allers-retours dangereux et inutiles», cas, 02.06.2023 ; ODAE romand, «Plus de quatre années de vie familiale perdues en raison de blocages par l’ambassade suisse au Soudan», cas, 29.05.2023 ; «Balladée entre Iran et Pakistan par l’ambassade de Suisse à Téhéran», cas, 22.05.2023.

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