La fouille des téléphones portables des requérant·e·s d’asile contestée

Le SEM pourrait à l’avenir fouiller les téléphones portables et autres supports de données électroniques détenus par les personnes en demande d’asile, en vue d’établir leur identité et leur origine. C’est ce que propose  un avant-projet de révision de la loi sur l’asile, mis en consultation par la Commission des institutions politiques du Conseil national, suite une initiative parlementaire de l’UDC Gregor Rutz.

Plusieurs organisations ont pris position contre cet avant-projet. Parmi elles, les CSP, l’OSAR, le HCR ou encore l’Ordre des avocats de Genève. Elles rappellent que la mesure entraîne une atteinte importante au droit à la vie privée, protégée par le droit international (art. 8 CEDH) et la constitution (art. 13 Cst), qui ne peut être autorisée que dans des conditions strictes. L’exemple de l’Allemagne, mis en avant également dans une analyse de Vivre Ensemble, montre que la mesure ne permet pas d’atteindre le but visé, à savoir l’établissement de l’identité des personnes. En effet, l’expérience allemande a montré que moins de la moitié des données consultées étaient utilisables et que dans 2% des cas seulement, elles avaient permis d’établir l’identité. De plus, selon ces prises de position, la mesure ne répond pas à une nécessité, le SEM disposant d’autres moyens pour établir les faits. Pour ces raisons et au vu de la nature extrêmement intrusive de la mesure, les organisations considèrent que l’avant-projet ne respecte pas le principe de proportionnalité. Elles ajoutent que le fait de donner accès à ses données personnelles à une autorité doit faire l’objet d’un consentement libre et éclairé, ce qui n’est pas le cas dans ce projet, puisque les requérant·e·s d’asile sont contraint·e·s de collaborer sous peine de voir leur demande d’asile rejetée. Enfin, elles rappellent que dans les procédures pénales, la fouille des téléphones portables est réglementée de manière stricte, doit être établie par écrit et soumise au contrôle judiciaire, ce qui n’est pas prévu pour les requérant·e·s d’asile. Cela constituerait une pratique discriminatoire.

Sources : CIP-N, « Iv. Pa. Obligation de collaborer à la procédure d’asile. Possibilité́ de contrôler les téléphones mobiles : avant-projet et rapport explicatif de la Commission des institutions politiques du Conseil national », 14 février 2020 ;  CSP, « Prise de position des Centres sociaux protestants relative à l’avant-projet “Obligation de collaborer à la procédure d’asile. Possibilité́ de contrôler les téléphones mobiles” », 4 juin 2020 ; HCR, « Contrôle des téléphones mobiles des requérants d’asile : le HCR estime que le droit à la vie privée est menacé », 4 juin 2020 ; OSAR, « Une atteinte disproportionnée à la vie privée des personnes en quête de protection », 2 juin 2020 ; Orphée Mouthuy et Sophie Malka, « Fouiller les téléphones portables des demandeurs d’asile ? Contestable, inefficace et forcément coûteux », asile.ch, 27 février 2020 (modifié le 5 mai 2020).

Cas relatifs

Cas individuel — 10/04/2025

Des violences conjugales reconnues par un Centre LAVI sont jugées trop peu intenses par les tribunaux

Eja*, originaire d’Afrique de l’est, rencontre Reto*, ressortissant suisse, en 2019. Leur mariage est célébré en avril 2021 et Eja* reçoit une autorisation de séjour. L’année qui suit est marquée par des disputes et des violences au sein du couple, et une première séparation de courte durée. En février 2023, Eja* consulte le Centre LAVI du canton, qui la reconnait victime d’infraction. En juillet, Eja* dépose une plainte pénale contre son époux pour harcèlement moral, rabaissements et injures, discrimination raciale et contraintes. En novembre 2023, Eja* dépose une deuxième plainte. Son médecin confirme des symptômes de stress émotionnel élevé. En février 2024, le SPoMi révoque l’autorisation de séjour d’Eja* et prononce son renvoi de Suisse, au motif que la durée effective de la communauté conjugale n’a pas dépassé trois ans. En août 2024, le Tribunal cantonal rejette le recours déposé par Eja*, au motif que l’intensité des violences psychologiques n’atteint pas le seuil exigé par la jurisprudence. Le Tribunal conclut à l’absence de raison personnelle majeure permettant de justifier le maintien de l’autorisation de séjour d’Eja*. Le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 14 novembre 2024, confirme la décision du SPoMi et rejette le recours d’Eja*.
Cas individuel — 20/03/2015

L’ODM dissimule des informations au Tribunal pour confirmer sa décision de renvoi

Après avoir fui l’Azerbaïdjan en raison de leur origine arménienne, la jeune « Samira », gravement handicapée, sa mère et sa sœur se voient refuser l’asile et sont sommées de repartir. Le TAF, constatant que l’ODM lui a dissimulé des informations sur la disponibilité des soins, annule le renvoi et leur délivre une admission provisoire.
Cas individuel — 02/12/2013

Traumatisé, il attend depuis cinq ans une réponse à sa demande d’asile

Persécuté dans son pays, l’Irak, « Malik » demande l’asile en Suisse en 2008. Après avoir été entendu sur ses motifs d’asile et avoir transmis un certificat attestant de ses traumatismes, « Malik » reste près de trois ans sans nouvelles de l’ODM. Après cinq années de procédure et la menace d’un recours pour déni de justice, il est convoqué à une audition complémentaire.