La Cour européenne des droits de l’Homme empêche le renvoi d’un ressortissant afghan converti au christianisme

Le SEM avait rejeté la demande d’asile d’un ressortissant afghan, jugeant que sa conversion au christianisme n’était pas crédible. Amené à se prononcer sur un recours, le TAF a reconnu dans son arrêt que la conversion du jeune afghan était crédible et sincère, mais a rejeté sa demande d’asile et prononcé le renvoi vers Kaboul, estimant qu’il pourrait trouver refuge dans cette ville chez des oncles qui ignorent tout de sa conversion.

Aidé par l’association SOS Ticino à Lugano,  le jeune afghan a saisi la CourEDH. Celle-ci a déclaré à l’unanimité qu’il y aurait une violation de l’art. 3 CEDH en cas de renvoi du requérant vers l’Afghanistan.

Dans son arrêt, la CourEDH reproche au TAF de n’avoir pas suffisamment investigué au sujet de la manière dont le requérant vivait sa foi en Suisse et pourrait continuer à la vivre en Afghanistan, en particulier à Kaboul où il n’a jamais vécu (§ 54 et 55). Au vu de la situation des apostats en Afghanistan, le requérant «serait à son retour contraint de modifier son comportement social de manière à cantonner sa nouvelle foi dans le domaine strictement privé. (…) Le Tribunal administratif fédéral suisse, dans un jugement de référence publié quelques mois seulement après l’arrêt rendu dans la présente affaire, a d’ailleurs lui-même concédé que la dissimulation et la négation quotidiennes de convictions intimes dans le contexte de la société afghane conservatrice pouvaient, dans certains cas, être qualifiées de pression psychique insupportable (…). Cela étant, le Tribunal ne pouvait, sans préalablement chercher à savoir comment le requérant allait pratiquer sa nouvelle religion en Afghanistan, exiger de lui qu’il se contente de cacher ses croyances à Kaboul, étant souligné encore une fois que ses oncles censés l’accueillir ne seraient pas au courant de son apostasie» (§ 55).

Sources : Arrêt du TAF D-2035/2017 du 21 octobre 2016 ; CourEDH, affaire A.A. c. Suisse n° 32218/17 du 5 novembre 2019 ; Arrêt du TAF D-4952/2014 du 23 août 2017.

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