Ils subissent un interrogatoire minutieux
et sont empêchés de se marier
Une suissesse fait part de sa situation à l’ODAE: en 2008, elle-même, alors âgée de 50 ans, et son ami de 33 ans originaire du Kosovo, qui a travaillé pendant des années en Suisse sans papiers, désirent se marier pour vivre ensemble une relation menacée par la possibilité permanente d’un renvoi. Pour mener à bien leur projet, le couple doit demander pour l’homme, rentré au Kosovo, une autorisation d’entrée pour mariage et séjour en Suisse, laquelle doit être acceptée par le service cantonal concerné. Les deux fiancés subissent alors des interrogatoires fouillés, elle auprès du canton, lui auprès de l’Ambassade suisse au Kosovo. Les questions sont nombreuses, souvent intimes. Entre autres éléments, l’Ambassade vérifie sur le téléphone du kosovar le nombre d’appels qu’il a reçus de la part de son amie suisse.
Au final, le canton considère que le projet de mariage est fictif et refuse la demande. Il met en avant la différence d’âge entre les deux intéressés et leurs propos contradictoires. En 2009, l’avocat du couple dépose un recours auprès du Conseil d’Etat. Celui-ci tente de montrer que la décision des autorités, de même que leurs méthodes, sont plus que discutables. L’autorité reproche par exemple aux fiancés de ne pas encore avoir choisi de témoins, alors qu’ils ne savaient même pas s’ils parviendraient à obtenir l’autorisation de se marier. Depuis lors, le couple est toujours dans l’attente d’une réponse du Conseil d’Etat et s’inquiète de la durée de la procédure qui engendre, depuis plus de deux ans, des frais importants. Pendant tout ce temps, le couple demeure séparé, puisque le fiancé doit rester au Kosovo.
L’enquête est vécue comme une intrusion humiliante dans leur vie privée par les intéressés, pour qui le mariage demeure la seule possibilité de vivre leur relation. Que l’obtention d’un permis pour lui fasse partie des buts visés par le mariage n’est de ce fait pas étonnant: une régularisation représente un avantage certain pour cet homme qui a travaillé sans-papiers en Suisse. Mais doit-on pour autant parler d’abus ? L’obtention d’avantages autres que sentimentaux ne compte-elle jamais quand deux Suisses prennent la décision de se marier ? Si, par exemple, une jeune femme souhaite se marier avec homme âgé et très riche uniquement dans l’attente d’un héritage, l’autorité se permet-elle d’intervenir?
Sources : témoignage de la fiancée ; décision du service cantonal ; recours de l’avocat.