Durcissement du Tribunal fédéral à l’encontre des victimes étrangères de violence conjugale

Après la séparation, certaines victimes étrangères de violences conjugales sont menacées de renvoi, les violences conjugales n’étant pas reconnues par les autorités et les tribunaux. La revue juridique plaidoyer publie en janvier 2023 une analyse précise de 49 arrêts du Tribunal fédéral (TF) rendus en la matière entre janvier 2020 et septembre 2022.

L’article démontre que le TF a opéré, à l’été 2020, un revirement clair mais non motivé, de sa pratique relative à  l’application de l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI. Jusqu’alors considérés comme preuves valables, les certificats médicaux et attestations spécialisées ont en l’espace de quelques semaines perdu de leur force probante. Si jusqu’alors la plainte pénale n’était « pas nécessaire à admettre les violences conjugales », l’absence de condamnation pénale devient soudain pour le tribunal un point central de la véracité des violences. à la lumière des exemples cités, on comprend que le TF ne procède dès lors plus à une appréciation globale des situations comme il le faisait jusqu’alors.

L’impression selon laquelle « loin de remplir son rôle de garant des droits fondamentaux […], la Haute Cour avait, purement et simplement, fermé la porte à toute discussion sur le sujet, décourageant toute velléité de recours » est donc confirmée par les analyses qualitative et quantitative de Claudia Frick et Magalie Gafner. Et les autrices de conclure : auprès du TF « une femme victime de violences conjugales est donc loin d’être appréhendée comme une potentielle victime, mais perçue avant tout comme une migrante susceptible de vouloir contourner les limitations propres à la politique migratoire. »

Ces résultats questionnent quant à l’institutionnalisation de discriminations envers les femmes. Un positionnement mal venu au cœur même de la plus haute instance nationale chargée d’appliquer la justice, lorsque les féminicides dans la sphère domestique représentent en Suisse plus de la moitié des homicides.

Source : Magalie Gafner et Claudia Frick, Migrantes et violences conjuguales:  récents jugements, Plaidoyer 1/2023.

Cas relatifs

Cas individuel — 10/04/2025

Des violences conjugales reconnues par un Centre LAVI sont jugées trop peu intenses par les tribunaux

Eja*, originaire d’Afrique de l’est, rencontre Reto*, ressortissant suisse, en 2019. Leur mariage est célébré en avril 2021 et Eja* reçoit une autorisation de séjour. L’année qui suit est marquée par des disputes et des violences au sein du couple, et une première séparation de courte durée. En février 2023, Eja* consulte le Centre LAVI du canton, qui la reconnait victime d’infraction. En juillet, Eja* dépose une plainte pénale contre son époux pour harcèlement moral, rabaissements et injures, discrimination raciale et contraintes. En novembre 2023, Eja* dépose une deuxième plainte. Son médecin confirme des symptômes de stress émotionnel élevé. En février 2024, le SPoMi révoque l’autorisation de séjour d’Eja* et prononce son renvoi de Suisse, au motif que la durée effective de la communauté conjugale n’a pas dépassé trois ans. En août 2024, le Tribunal cantonal rejette le recours déposé par Eja*, au motif que l’intensité des violences psychologiques n’atteint pas le seuil exigé par la jurisprudence. Le Tribunal conclut à l’absence de raison personnelle majeure permettant de justifier le maintien de l’autorisation de séjour d’Eja*. Le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 14 novembre 2024, confirme la décision du SPoMi et rejette le recours d’Eja*.
Cas individuel — 16/12/2022

Victime d’abus sexuels, elle est menacée de renvoi

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Cas individuel — 15/03/2012

Pas de permis pour une ado victime
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