Autorités cantonales désavouées après avoir prononcé le renvoi d’une victime de violences conjugales

Dans un arrêt du 26 mai 2016 (2C_777/2015) le Tribunal fédéral a admis le recours d’une victime de violences conjugales. Celle-ci contestait la décision des autorités vaudoises de la renvoyer en Tunisie suite à sa séparation d’avec son mari, titulaire d’une autorisation d’établissement. Elle invoquait l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEtr qui donne le droit au renouvellement d’une autorisation de séjour pour des « raisons personnelles majeures», telles que des violences conjugales.

L’autorité cantonale avait admis qu’elle se trouvait dans une situation de maltraitance psychique systématique, mais lui avait reproché de ne pas avoir fourni de documents attestant les violences subies. Le TF a rappelé la jurisprudence en la matière, à savoir que la victime doit démontrer l’existence de violences d’une certaine intensité. Il ne s’agit pas de prendre en compte uniquement les documents écrits, contrairement à ce qui ressort de la décision cantonale, mais de considérer un « faisceau d’indices » qui en l’occurrence étaient réunis. Pour le TF, le Tribunal cantonal ne pouvait pas« sans commettre d’arbitraire et verser dans un raisonnement incohérent » (consid. 6.4) considérer les violences comme avérées tout en niant leur existence au seul motif qu’elles n’étaient pas établies par des documents.

Le Tribunal fédéral a par ailleurs rappelé l’obligation de l’Etat de protéger la dignité humaine et l’intégrité des victimes de violences conjugales. A cet égard il a notamment cité l’art. 59 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il est à noter que le Conseil fédéral prévoit justement d’émettre une réserve à cet article. Une procédure de consultation est en cours concernant la ratification par la Suisse de cette convention (lire la position du groupe de travail Femmes migrantes & violences conjugales). En outre, il convient de souligner qu’un projet de révision de la Loi sur le Tribunal fédéral prévoit de limiter l’accès au TF aux étrangers et étrangères ayant séjourné plus de 10 ans en Suisse (art. 83 LTF). Le présent cas illustre l’utilité de maintenir cette possibilité en particulier pour les victimes de violences conjugales invoquant l’art. 50 LEtr (voir aussi les arrêts 2C_649/2015 du 1.04.16 et 2C_648/2015 du 23.08.16).

> Voir le rapport thématique de l’ODAE romand Femmes étrangères victimes de violences conjugales -3e édition

Cas relatifs

Cas individuel — 07/10/2013

Fragilisée par les violences conjugales, elle est
renvoyée après 11 années en Suisse

Après de longues années de violences conjugales reconnues, « Sibel », arrivée en Suisse en 2002, se voit refuser le renouvellement de son permis. On lui reproche un manque d’intégration, pourtant lié au contrôle exercé par son mari ainsi qu’à sa fragilité psychique résultant des violences subies.
Cas individuel — 02/10/2012

Renvoi d’une victime de violences conjugales
et de sa fille scolarisée depuis 9 ans en Suisse

Au bénéfice d’un permis B par mariage, « Carmen » fait venir en 2003 sa fille « Vanessa », alors âgée de 6 ans. 9 ans plus tard, suite au deuxième divorce de « Carmen » dû à des violences conjugales, les autorités cantonales décident de les renvoyer, au mépris de l’intérêt supérieur de l’adolescente et des violences subies par sa mère.
Cas individuel — 16/02/2012

Une tentative de strangulation n’est pas une
violence conjugale grave pour l’ODM

« Carolina », chilienne, subit dès 2008 des violences de la part de son mari suisse. En 2010, suite à une tentative de strangulation, elle décide de quitter son époux. Peu après cette séparation, l’ODM révoque le permis de « Carolina », bien qu’elle vive en Suisse depuis 7 ans et qu’elle ait besoin de soutien. Selon l’ODM, les violences subies ne sont pas d’une intensité suffisante pour lui permettre de rester en Suisse pour raisons personnelles majeures.