Asile LGBTIQ+: la Suisse à nouveau rappelée à l’ordre

Suisse, 21.11.2024 – La CourEDH a à nouveau condamné la Suisse pour sa pratique en matière d’asile à l’égard des personnes LGBTIQ+, le SEM et le TAF n’ayant pas examiné avec suffisamment de soin la volonté et la capacité de protection des autorités iraniennes en cas de retour.

L’art.1 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugié·es stipule que la crainte de persécution fondée sur l’appartenance à un groupe social, telle que l’orientation sexuelle, peut justifier la reconnaissance du statut de réfugié. En Suisse, bien que le SEM reconnaisse que l’orientation sexuelle est un élément fondamental de l’identité, le traitement des demandes d’asile liées à ce motif reste toutefois confus. Le SEM impose souvent un «devoir de discrétion» aux demandeur·sexs d’asile, voire leur recommander de mener une vie «discrète» et «raisonnable» pour éviter des persécutions après leur renvoi dans leur pays d’origine (voir notre rapport).

Une telle approche, dénoncée notamment par l’OSAR et Caritas Suisse, est en contradiction avec la jurisprudence européenne, qui considère que l’orientation sexuelle ne devrait pas être dissimulée. Critiquée pour son non-respect du principe de non-refoulement, la Suisse est appelée à adapter ses pratiques au droit international.

Sources: OSAR «La Suisse à nouveau rappelée à l’ordre par la CEDH pour sa pratique LGBTQI+», 13.11.2024 ; le Courrier, «Asile LGBTIQ+: «une pratique confuse»», 13.11.2024 ; Caritas Suisse, «Une pratique confuse de la Suisse. Traitement des demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle», 24.10.2024 ; asile.ch, «Caritas | Demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle : pratiques confuses de la Suisse», 19.11.2024.

Voir également: ODAE romand, «Asile LGBTIQ+: la situation des personnes LGBTIQ+ dans le domaine de l’asile», rapport, 15.11.2022 ; asile.ch, «Reste « Discrètes » ? La dure bataille des personnes LGBTIQ+ pour une protection», 19.04.2023 ; ODAE romand, «Homme trans ayant fui la Syrie, le SEM rejette sa demande d’asile au motif qu’il pourrait revenir à un rôle social féminin», cas individuel, 15.12.2022 ; ODAE romand, «Une personne homosexuelle menacée de renvoi gagne à Strasbourg», cas individuel, 31.05.2022 ; ODAE romand, «Exilé suite à des persécutions homophobes, un Camerounais se voit refuser l’asile», cas individuel, 15.12.2021.

Cas relatifs

Cas individuel — 15/12/2022

Homme trans ayant fui la Syrie, le SEM rejette sa demande d'asile au motif qu'il pourrait revenir à un rôle social féminin

Keyan*, homme trans syrien d’origine kurde, demande l’asile en Suisse en octobre 2015 en raison, notamment, de persécutions liées à son orientation sexuelle et son identité de genre. Sa requête est rejetée en février 2019 par le SEM qui estime qu’il pourrait revenir à un rôle social féminin après son retour en Syrie, notamment en dissimulant sa mastectomie effectuée en Suisse et en vivant secrètement ses relations amoureuses. Saisi par Keyan, le TAF casse la décision du SEM en juillet 2022 et ordonne que l’asile lui soit octroyé.
Cas individuel — 15/12/2021

Exilé suite à des persécutions homophobes, un Camerounais se voit refuser l’asile

Jacques* quitte le Cameroun en 2015 suite à une agression à caractère homophobe ayant failli lui coûter la vie et à des menaces de mort. Après un passage par la Turquie et la Grèce, il demande l’asile en Suisse. Le SEM refuse sa demande, niant arbitrairement le lien entre son agression et son orientation sexuelle. La décision d’expulsion est confirmée par le TAF, malgré un recours apportant de nombreux éléments confirmant le caractère homophobe de l’agression.
Cas individuel — 30/09/2013

L’ODM refuse l’asile à une famille n’ayant pas de possibilité de refuge interne

L’ODM ne tient pas compte d’une jurisprudence du TAF sur l’impossibilité de fuite interne en Afghanistan et refuse le statut de réfugié à « Jamal » et sa famille. Il affirme en effet que les persécutions subies par cette famille et leurs proches n’ont eu lieu que dans une seule province et que la famille pourrait s’installer à Kaboul. Le TAF n’est pas de cet avis.
Cas individuel — 24/08/2009

L’ODM affirme que les soins sont possibles, mais il ne cite aucune source

Le diagnostic est clair : « Alana » souffre d’un état de stress post-traumatique et le risque de suicide est élevé. L’ODM ordonne néanmoins le renvoi, sans aucune vérification quant aux possibilités de soins au Kosovo. Une décision cassée par le TAF. Le DFJP projette de faire porter le fardeau de la preuve au requérant. Qu’adviendrait-il de personnes comme « Alana »?