Apprentissage pour les jeunes sans-papiers : accessible seulement à une minorité ?

Depuis le 1er février 2013, le nouvel article 30 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) ouvre l’accès à l’apprentissage dual aux jeunes sans statut légal. Cette ordonnance vise à mettre fin à la discrimination subie par les jeunes sans-papiers à la fin de leur scolarité obligatoire. En effet, n’étant pas légalement autorisés à signer un contrat, la voie de l’apprentissage dual leur était jusqu’à présent interdite.

Une recherche sur l’accès à l’apprentissage, menée avant la mise en œuvre de ces nouvelles mesures, montre toutefois que l’ordonnance pourrait ne pas offrir de nouvelles ouvertures pour la majorité des personnes concernées. En effet, l’accès à l’apprentissage demeure soumis à un certain nombre de critères : les jeunes doivent notamment avoir suivi au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse, faire preuve d’un bon niveau d’intégration, et avoir déposé leur demande de régularisation dans les 12 mois suivant la scolarité obligatoire. Or seul un des cinq jeunes interrogées dans le cadre de la recherche correspondrait en réalité à ces critères.

De plus, les chercheuses relèvent qu’il est possible que cette ordonnance mette en échec certains jeunes ayant trouvé un employeur, mais qui ne correspondent pas aux critères définis par la Confédération. Leur demande de régularisation risque dès lors d’être rejetée d’emblée.

Sources

NILOUFER D., RUCHTI F., Les processus de recherche d’apprentissage des jeunes sans-papiers, Givisiez, HEF-TS, 2013.

Revue d’information sociale Reiso, Les jeunes sans-papiers face à l’apprentissage, 23 janvier 2014.

Cas relatifs

Cas individuel — 08/12/2025

Victime de mariage forcé et de traite, elle est menacée de renvoi

Mariée de force à 15 ans, Albina* subit des violences conjugales répétées. Elle donne naissance à une fille en 2007. En 2013, elle est séquestrée en Grèce et contrainte à se prostituer. Elle parvient à divorcer en 2014. En janvier 2017, elle arrive en Suisse où elle débute une relation avec Mustafa*, qui devient vite marquée par des violences physiques. En décembre 2018, après une violente agression, elle parvient à alerter la police. Mustafa* est expulsé du domicile. Albina* est prise en charge dans un foyer pour victimes de violences conjugales. En septembre 2019, Mustafa* est condamné pour lésions corporelles et injures et Albina* pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.
Cas individuel — 08/10/2024

Coincé en Suisse sans liberté de mouvement parce que le SEM et le TAF estiment qu’il n’a pas su prouver son identité

Félicien*, originaire du Soudan du Sud, vit en Suisse au bénéfice d’un permis B (Cas de rigueur), obtenu à la suite d’un accident qui l’a rendu paraplégique. Bien qu’enregistré par le SEM comme ressortissant soudanais, Félicien* n’a aucune pièce d’identité ni autre document d’état civil national démontrant son origine: il lui est donc impossible de voyager. Après avoir en vain tenté de se faire établir un passeport soudanais, il demande un passeport pour étrangers auprès des autorités suisses. Le SEM rend une décision négative à sa demande, au motif qu’il est de la responsabilité de Félicien* de démontrer son identité. Saisi par recours, le TAF confirme la décision du SEM, considérant que Félicien* n’a pas démontré que les autorités de son pays d’origine auraient prononcé à son endroit un refus formel, définitif et infondé.
Cas individuel — 03/10/2024

"Avec les limites du permis F, je ne me sens pas complet"

Salih*, né en 1999 en Érythrée, arrive en Suisse en 2015, à l’âge de 16 ans. Il demande l’asile sans documents d’identité et reçoit un permis F en 2017. Il apprend le français et obtient un AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) puis un CFC (certificat fédéral de capacité) de peintre en bâtiment. Malgré ses efforts d’intégration, ses demandes de transformation de son permis F en permis B sont systématiquement rejetées par le Secrétariat d’État aux migrations en raison de l’absence de documents d’identité officiels. Les autorités suisses lui demandent à plusieurs reprises de se procurer ces documents auprès de l’ambassade d’Érythrée, mais Salih* refuse de s’y rendre, craignant pour sa vie en raison de ses critiques à l’égard du gouvernement érythréen. Une situation qui le place dans une impasse.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.