Adoption de la 3ème stratégie suisse de gestion des frontières Schengen

Suisse, 25.06.2024 – En tant qu’État membre de Schengen, la Suisse est tenue de présenter, tous les cinq ans, une stratégie de participation à la gestion des frontières extérieures de Schengen. La nouvelle stratégie couvre la période de 2024 à 2029 et comprend notamment les renforcements du soutien à l’agence Frontex et du recours aux nouvelles technologies pour la surveillance des frontières. Ce soutien est pourtant décrié par les associations de terrain, qui dénoncent des crimes contre l’humanité perpétré par Frontex en bordure d’Europe (voir notre brève).

Sources: admin.ch, “Le Conseil fédéral et la CCDJP prennent acte de la nouvelle stratégie de gestion intégrée des frontières”, 01.05.2024

Voir également: SEM & CCDJP, “Stratégie de gestion intégrée des frontières III (Stratégie IBM III)”, Novembre 2023 ; ODAE romand, “Frontex: fraudes et complicité de crime contre l’humanité”, 24.04.2024 ; ODAE romand, “Refoulements aux frontières et atteintes aux droits humains”, 14.10.2021.

Cas relatifs

Cas individuel — 11/12/2024

«Je n’en pouvais plus, je ne savais plus vers qui me tourner. Je suis allée porter plainte mais la police m’a arrêtée pour séjour illégal.»

Dora* arrive en Suisse sans statut de séjour en mai 2022 et rencontre Jorge*, originaire d’Espagne, à Genève. Après deux ans de harcèlement et de menaces proférées par Jorge* à son encontre, elle finit par se rendre dans un commissariat de la police cantonale genevoise pour déposer plainte. La police lui indique qu’il n’y a pas matière à enregistrer une plainte, mais qu’elle doit en revanche rendre des comptes pour son séjour illégal. Dora* est alors détenue une nuit et auditionnée par le Ministère public le lendemain. Compte tenu de sa décision de quitter volontairement le territoire, les autorités classent la procédure. Sa plainte à l’encontre de Jorge* n’est jamais enregistrée. Fin décembre 2024, Dora* quitte définitivement la Suisse, sans avoir pu obtenir justice.
Cas individuel — 29/10/2024

Quatre ans de procédure pour se voir reconnaître son statut de victime de violences domestiques

Arrivée en Suisse en 2018 à la suite de son mariage avec un ressortissant suisse, Amanda* est rapidement victime de violences domestiques. À la suite de la séparation du couple, et malgré les documents attestant des violences subies par Amanda* ainsi que de ses craintes, fondées, de représailles de sa belle-famille en cas de retour, le SEM refuse de renouveler son autorisation de séjour et prononce son renvoi vers le Sri-Lanka. Amanda* dépose un recours au TAF contre cette décision. En août 2023, le TAF lui donne raison : il annule la décision du SEM et ordonne l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur d’Amanda* sur la base de l’art. 30 LEI qui permet de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte de cas individuels d’une extrême gravité (F-2969/2020). Le TAF que reconnait les violences domestiques subies par Amanda* – que le SEM avait minimisées, voire niées – et leurs conséquences sur son état de santé, tout comme les difficultés de réintégration en cas de retour au pays d’origine, constituent des éléments suffisants pour admettre la prolongation de son séjour en Suisse.
Cas individuel — 17/10/2024

Malgré l’impossibilité de son retour à Gaza, la Suisse le condamne pour séjour illégal

Sportif originaire de Gaza, Bashir* réalise une tournée en Europe. Mais il se retrouve coincé suite à la fermeture de la frontière entre Gaza et l’Egypte. Séjournant chez des ami·es en Suisse, il y dépose une demande de permis de courte de durée en 2015, en expliquant sa situation. Puis il dépose également une demande de reconnaissance d’apatridie. Mais ses deux requêtes sont rejetées. Il retourne alors en Allemagne, pays émetteur de son visa Schengen, pour y demander l’asile. Sa demande est refusée et l’Allemagne lui délivre en outre une interdiction de territoire d’une durée de 30 mois. Sans alternative, Bashir* revient alors en Suisse en 2018. Suite à un contrôle de police, il est condamné pour séjour illégal à une amende de 2’705 CHF.
Cas individuel — 15/10/2024

Le TF ordonne la reconnaissance du statut d’apatride pour un ressortissant kurde

Kurde de Syrie vivant en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire (permis F), Aryian* dépose une demande de reconnaissance d’apatridie en 2015. Le SEM puis le TAF refusent sa demande, au motif qu’Aryian*, qui appartient à la catégorie des Kurdes dits ajnabi, aurait soit reçu la nationalité syrienne en 2012, soit n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour l’obtenir. Saisi par Aryian*, le Tribunal fédéral (TF) casse la décision du SEM. Dans son arrêt rendu en avril 2021, il réfute l’absence de «raisons valables» au départ d’Aryian* de la Syrie ainsi que l’affirmation selon laquelle le recourant n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour acquérir la nationalité syrienne. Il considère en outre qu’on ne peut exiger d’Aryian* qu’il attende de pouvoir retourner en Syrie pour obtenir la citoyenneté. Le TF admet donc le recours et ordonne au SEM de reconnaitre Aryian* comme apatride.