La santé des requérants d’asile dans le canton de Vaud pointée du doigt

Suite à un postulat déposé par cinq députés, la Commission de la santé publique du Grand Conseil vaudois s’est saisie de la question du traitement réservé aux personnes vulnérables dans le système de l’asile vaudois, en particulier sur le plan médical (sur cette thématique, voir également notre brève du 13.06.14). Dans un rapport à ce sujet, la Commission retranscrit les auditions de trois médecins (un pédiatre, un psychiatre pour enfants et adolescents et un médecin pour adultes de la Policlinique médicale universitaire – PMU) :

Le premier constate que « les conditions d’accueil des migrants accentuent leurs souffrances. Ce constat se vérifie particulièrement dans le cas des enfants en bas âge ». Il ajoute que « les faits relatifs à la détresse et aux problèmes de santé des migrants s’avèrent exacts ». Il appelle à « sortir ces populations vulnérables des centres EVAM pour les placer dans des lieux plus adaptés ».
Le psychiatre note, notamment, une dégradation de la santé psychique des migrants, mais également « l’épuisement de professionnels dévoués (intendants des centres d’accueil, infirmières de la PMU), rongés par un sentiment d’impuissance face à l’ampleur de la tâche par rapport aux moyens limités ».
Enfin, le médecin œuvrant à la PMU fait remarquer l’augmentation des besoins alors que les moyens à disposition eux stagnent. En outre, il mentionne qu’un problème notable est celui du suivi des dossiers transmis à l’EVAM : sur 500 demandes adressés, « l’EVAM n’a pas suivi le préavis médical de la PMU dans 40 cas, et 195 situations n’ont donné lieu à aucune réponse de la part de l’EVAM ». Enfin, il ajoute la question du délai de transfert d’hébergement, lors d’un préavis positif médical, qui est de l’ordre de 77 jours en moyenne.

Ces trois spécialistes s’accordent ainsi sur la vulnérabilité accrue de ces personnes et le rapport qu’entretiennent les conditions d’hébergement avec cette problématique. Leurs propos ne visent pas l’EVAM en particulier mais plutôt un manque de concordance entre les besoins pour un accueil décent et des moyens à disposition insuffisants.
La Commission a déposé un nouveau postulat demandant au Conseil d’État « de rédiger un rapport permettant de faire le point sur la prise en charge socio-médicale des requérants d’asile hébergés dans le cadre de la mission de l’EVAM, ainsi que sur les moyens à mettre en œuvre pour leur garantir l’accès aux soins physiques et psychiques ».

Sources:

 Rapport de la Commission thématique de la santé publique, octobre 2014, RC-POS (14_POS_076).

 Postulat Jean-Michel Dolivo et consorts – Quel traitement réserve l’EVAM aux personnes vulnérables, en particulier sur le plan médical ?, séance du 24 juin 2014.

Cas relatifs

Cas individuel — 04/03/2025

Renvoi Dublin vers la Croatie: le TAF reconnait que le SEM fait fi de l’avis des médecins

Le SEM refuse d’entrer en matière sur la demande d’asile de Ahmad*, originaire d’Afghanistan, au motif que la Croatie serait l’État responsable de sa prise en charge (art.31a LAsi ; règlement Dublin III). Ahmad* passe les six mois de son délai de renvoi Dublin dans l’angoisse, connait plusieurs épisodes d’hospitalisation notamment en raison d’une tentative de suicide. Début novembre 2023, Ahmad* demande au SEM d’entrer en matière sur sa demande d’asile au vu du fait que le délai de son transfert est échu. Mais le SEM refuse et Ahmad* dépose un recours auprès du TAF. Dans son arrêt du 21 juin 2024, le tribunal constate qu’Ahmad* a été hospitalisé à plusieurs reprises, ce dont le SEM avait été dument informé, et qu’au vu des motifs d’hospitalisation, il ne saurait être retenu contre lui de s’être fait hospitaliser volontairement pour échapper au renvoi. Le TAF estime qu’ «en laissant entendre que le recourant aurait provoqué ses hospitalisations pour empêcher son transfert en Croatie, le SEM fait fi des avis des médecins ayant ordonné celle-ci». Enfin, le tribunal souligne que rien n’indique qu’Ahmad* ait tenté d’échapper aux autorités, puisqu’il a été informé de sa dernière convocation après son retour de l’hôpital. Il admet le recours et annule la décision du SEM de décembre 2023 en l’invitant à reconnaître la responsabilité de la Suisse pour examiner la demande d’asile d’Ahmad*.
Cas individuel — 02/07/2014

Un adolescent malade ne peut pas rejoindre sa mère en Suisse

« Gautier », adolescent ivoirien atteint d’une tumeur, se voit refuser le regroupement familial avec sa mère « Sandrine », leur demande étant considérée comme tardive. Les autorités suisses soutiennent par ailleurs que les problèmes de santé de « Gautier » peuvent être pris en charge en Côte d’Ivoire, malgré les nombreux certificats médicaux affirmant le contraire.
Cas individuel — 03/07/2013

Après 20 ans en Suisse, « Houria » se voit réattribuer un statut précaire

« Houria » et sa fille mineure voient leur permis B remplacé, après dix années, par une admission provisoire. Le Tribunal cantonal vaudois, qui reconnaît les efforts d’« Houria » pour trouver un emploi, estime néanmoins que sa détresse psychologique et l’incapacité totale de travailler qui en résulte ne justifient pas sa dépendance à l’aide sociale.
Cas individuel — 20/12/2011

Une rescapée de Srebrenica est renvoyée
malgré de graves problèmes psychiques

« Halida », rescapée du massacre de Srebrenica, demande l’asile en Suisse en 2000 alors qu'elle a à peine 18 ans. 11 ans plus tard, malgré ses troubles psychiques et la naissance d'un bébé, l’ODM puis le TAF vont prononcer son renvoi (et celui de son nouveau-né) vers la Bosnie. Elle n'y a pourtant quasiment plus de repères ni de réseau familial ou social.