Procédure à l’aéroport: 47 jours de rétention pour une fillette
Après avoir demandé l’asile à l’aéroport, une fillette et sa mère sont retenues durant 47 jours dans la zone de transit. Elles y séjournent dans des conditions inappropriées, surtout pour une enfant. Même le droit à une promenade quotidienne n’est pas respecté.
Personne(s) concernée(s) : « Mélissa », fillette nigériane de 7 ans et « Sophie », sa mère
Statut : requérantes d’asile (déboutées à l’aéroport)
Résumé du cas
« Mélissa » et sa mère demandent l’asile à l’aéroport de Cointrin le 30 mars 2008. Le lendemain, l’ODM leur refuse l’entrée en Suisse et les assigne à la zone de transit de l’aéroport. « Mélissa » et sa mère, privées de leur liberté, se retrouvent à dormir dans un sous-sol sans fenêtre et à recevoir jour après jour des repas essentiellement composés de pâtes et de sandwichs. Elles peuvent circuler dans la zone de transit où s’étale le luxe destiné aux touristes, mais n’ont aucun argent pour agrémenter l’ordinaire. Le 11 avril 2008, leur demande d’asile est rejetée par l’ODM. Cette décision est confirmée par le TAF le 28 avril 2008. « Sophie » avait demandé l’asile pour protéger « Mélissa » d’une excision, mais les autorités ne croient pas que ce risque soit réel. Voilà déjà un mois que « Mélissa » et sa mère sont retenues à l’aéroport. C’est plus que ne le permettait l’ancienne loi, mais rien n’a été fait pour adapter les conditions de séjour à une durée de rétention pouvant aller désormais jusqu’à 60 jours. Aucun autre enfant n’est là et « Mélissa », trop âgée, n’est pas admise à la garderie de l’aéroport. Vivant constamment dans l’air conditionné, « Sophie » et « Mélissa » n’obtiendront que deux fois la possibilité d’aller à l’air libre. Malgré l’appui de l’aumônerie de l’aéroport, elles supportent mal cette situation. Heureusement, au 47ème jour, le TAF accède à un recours de l’association ELISA, qui agit comme mandataire. La procédure d’asile étant close, le TAF ordonne la levée de la rétention. « Mélissa » et sa mère sont alors placées dans un foyer pour requérants d’asile déboutés du canton de Genève, en attendant l’exécution de leur renvoi.
Questions soulevées
Est-il normal que l’ODM retienne 47 jours une fillette de 7 ans dans des conditions inhumaines (air conditionné, deux sorties d’une demi-heure à l’air libre en sept semaines, nourriture répétitive, absence d’activité appropriée) ?
Les demandeurs d’asile retenus à l’aéroport ne subissent-ils pas des conditions de séjour qui sont à certains égards plus dures que celles des détenus pénaux ? Comment peut-on expliquer que ces conditions de rétention à l’aéroport, critiquées par le Comité européen pour la prévention de la torture (observations CPT), perdurent ?
Chronologie
2008: 30 mars : dépôt de la demande d’asile à l’aéroport de Genève
2008 :31 mars : refus d’entrée en Suisse et assignation à la zone de transit de l’aéroport
2008 :11 avril : rejet de la demande d’asile par l’ODM ; recours le 18 avril
2008 : 28 avril : le TAF confirme le rejet de la demande d’asile
2008 : 9 mai : recours contre la décision d’assignation à l’aéroport
2008 : 14 mai : le TAF admet le recours et demande à l’ODM d’accorder l’entrée en Suisse
Description du cas
« Sophie » demande l’asile à l’aéroport de Cointrin le 30 mars 2008 avec sa petite fille « Mélissa », âgée de 7 ans. Le lendemain, l’ODM leur refuse l’entrée en Suisse et leur assigne comme lieu de résidence la zone de transit de l’aéroport de Genève. Cette rétention peut atteindre une durée maximale de 60 jours, comme le prévoit le nouvel art.22.al 5 LAsi, entré en vigueur le 1er janvier 2008. Auparavant, la durée maximale de la procédure d’aéroport était de 20 jours. La nouvelle loi prévoit donc une durée beaucoup plus longue sans qu’aucune mesure n’ait été prise pour améliorer les conditions de séjour. Pourtant, dans ses observations du 7 janvier 2008, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), qui visite les lieux de privation de liberté, déclarait publiquement qu’« en leur état actuel, les locaux destinés à l’hébergement des requérants d’asile (…) ne conviendraient pas pour un séjour pouvant aller jusqu’à deux mois ».
La fillette et sa mère se retrouvent privées de leur liberté. Elles dorment au sous-sol dans un dortoir sans fenêtre et côtoient les hommes qui sont placés dans le dortoir d’à côté, sans qu’il leur soit possible de fermer leur porte à clé. Elles mangent jour après jour des pâtes et des sandwichs. Durant les 47 jours passées dans la zone de transit, « Mélissa » et « Sophie » ne peuvent effectuer, sous surveillance policière, que deux sorties à l’air libre, d’une demi-heure chacune, le long des pistes de l’aéroport. L’art. 15 de l’Ordonnance du DFJP relative à l’exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l’asile prévoit pourtant que les requérants d’asile ont droit à une promenade quotidienne en plein air. Par ailleurs, aucune autre enfant n’est là, et « Mélissa » est trop âgée pour être admise à la garderie de l’aéroport qui est réservée aux enfants de moins de 5 ans. Seuls quelques jouets ont été mis à sa disposition. Comme autre occupation, il y a aussi une télévision, mais elle est le plus souvent accaparée par les autres requérants d’asile.
La mère de « Mélissa » avait introduit une demande d’asile pour la protéger d’une excision. Mais les autorités ne croient pas que ce risque soit réel. Le 11 avril 2008, l’ODM rejette cette demande d’asile. Cette décision est confirmée par le TAF le 28 avril 2008.
Toujours retenues à l’aéroport, « Mélissa » et « Sophie » voient leur santé commencer à se dégrader. « Mélissa » développe un rhume chronique ou une sinusite et elle doit être conduite en consultation à l’hôpital. « Sophie » est extrêmement déprimée et parle sans cesse de mourir, y compris devant sa fille. Elle pleure très fréquemment et souffre d’insomnies. Avec l’aide de l’association ELISA, un recours est formé devant le TAF pour dénoncer les conditions de rétention inappropriées, particulièrement pour une fillette de l’âge de « Mélissa ». Le 14 mai 2008, le TAF leur donne raison au motif que la rétention dans la zone de transit de l’aéroport de Genève est dénuée de toute justification depuis la décision du 28 avril 2008 qui a mis fin à la procédure d’asile. Il conclut qu’en l’absence d’une nouvelle décision d’assignation, la rétention dans la zone de transit doit être levée.
« Mélissa » et sa mère sont alors envoyées dans un foyer pour requérants d’asile déboutés dans le canton de Genève, en attendant l’exécution de leur renvoi.
Signalé par : Association Elisa-Asile, juillet 2008.
Sources: Décision du TAF du 28.04.2008 et du 14.05.2008; recours du 9.5.08 ; correspondance avec les autorités, dossier de presse du 28 juillet 2008 et informations diverses du mandataire et de l’aumônerie de l’aéroport ; observations préliminaires du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) du 8.1.2008.