Mineur, il passe plus de 2 mois en détention à l’aéroport sous la menace d’un renvoi

Né en 2006, Hatim* fuit l’Irak en raison de persécutions. Il arrive en Suisse en avril 2024, à l’âge de 17 ans. Il dépose une demande d’asile à l’aéroport de Genève le 22 avril 2024 auprès du Service asile et rapatriement aéroport (SARA). L’entrée en Suisse lui est refusée et il est assigné à la zone de transit de l’aéroport durant le temps de traitement de sa demande d’asile. Celle-ci est rejetée au début du mois de mai. N’ayant pas accès un mandataire, Hatim dépose un recours en nom propre, lequel est également rejeté à la fin du même mois. Durant tout le temps de la procédure, Hatim reste détenu dans la zone de transit de l’aéroport sans droit de sortie ni accès à des services de base (santé, formation, etc.) alors qu’il est mineur. Début juin, sa nouvelle mandataire dépose une plainte auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, dénonçant la décision de son renvoi vers l’Irak ainsi que sa détention à l’aéroport, dont les conditions de vie violent les art. 3 et art. 31 CDE. Des mesures superprovisionnelles ordonnant la suspension de son renvoi sont finalement prononcées et Hatim* est attribué fin juin au canton de Genève, avec un permis N (procédure d’asile en cours).

Personne concernée (*Prénom fictif): Hatim*

Origine: Irak

Statut: permis N

Chronologie

2024:  arrivée et demande d’asile (avril), refus du SEM, recours et rejet du recours par le TAF (mai), plainte auprès du Comité des droits de l’enfant (juin)

Questions soulevées

  • Comment est-il possible qu’une personne mineure doive effectuer sa procédure d’asile à l’aéroport, sachant en plus que celle-ci est très courte? Auditionné 4 jours après son arrivée, l’enfant n’a pas le temps de se préparer, de rassembler de preuves et de recevoir un soutien juridique adéquat (en outre, il n’a que 2 heures pour discuter avec une juriste avant son audition). Sachant également que les conditions de vie à l’aéroport son impropres à répondre aux droits et besoins de l’enfant.
  • Comment est-il possible qu’un mineur ne reçoive pas l’appui d’une représentation juridique pour l’aider à déposer un recours (Caritas Suisse ayant renoncé à son mandat après le rejet de sa demande d’asile)? Alors que les mineur·es doivent être accompagné·es d’une personne de confiance, comment est-ce possible qu’une fois le mandat Caritas Suisse résilié, aucune personne de confiance ne lui ait été garantie jusqu’à la fin de sa procédure d’asile (dans la procédure d’asile, représentation juridique et personne de confiance sont une seule et même personne)?
  • Comment est-il possible d’envisager le renvoi d’un enfant seul, vers un pays où sa famille le rejette et où il subira à nouveau des violences?

Description du cas

Né en 2006 en Irak, Hatim* est d’ethnie kurde. En 2022, il participe à une manifestation réprimée par les forces de l’ordre. Il se voit également rejeté par sa propre famille à la suite de sa conversion à la religion zoroastrienne, puis subit des agressions répétées et des menaces, y compris par la famille de la fille qu’il souhaite épouser. En mars 2023, il quitte l’Irak, où sa vie est menacée, pour se rendre en Europe. En février 2024, il rejoint la Turquie par avion, puis atterrit en Suisse en avril. Il a alors 17 ans passé de quelques mois et voyage seul comme mineur non accompagné.

Hatim* dépose une demande d’asile à l’aéroport de Genève le 22 avril 2024 auprès du Service asile et rapatriement aéroport (SARA). Le lendemain, l’entrée en Suisse lui est refusée et il est assigné à la zone de transit de l’aéroport pour une durée maximale de 60 jours (art. 22 LAsi).

Le 26 avril 2024, le SEM auditionne Hatim* sur ses motifs d’asile en présence d’une représentante juridique de Caritas Suisse qu’il n’a rencontré que 2 heures auparavant. Il est alors très confus, reçoit peu d’informations et comprend mal ce qui lui est demandé. Début mai 2024, le SEM lui refuse la qualité de réfugié et rejette sa demande d’asile. Bien qu’Hatim* ait expliqué avoir été expulsé et menacé, le SEM considère l’exécution du renvoi de son renvoi raisonnablement exigible et possible. Hatim* se sent perdu, isolé et n’a pas revu son représentant juridique depuis son audition sur ses motifs d’asile.

A la mi-mai,  Hatim*, qui se trouve toujours dans la zone de transit de l’aéroport, dépose un recours auprès du TAF en nom propre contestant les conclusions du SEM et requérant la reconnaissance de sa qualité de réfugié ainsi que l’octroi de l’asile ou à défaut d’une admission provisoire. Fin mai 2024, le TAF rejette le recours (D-3047/2024).

Il parvient à prendre contact avec une association genevoise de soutien juridique. Début juin 2024, ce nouveau mandataire de Hatim* dépose une plainte auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, dénonçant la décision de renvoi vers l’Irak du SEM ainsi que la détention d’une personne mineure, et demandant des mesures superprovisionnelles de protection contre le renvoi. Elle allègue notamment une violation des art. 3 et art. 31 CDE en raison de conditions de vie à l’aéroport non conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi qu’une procédure d’asile non-adapté aux besoins de l’enfant.

A ce moment, Hatim* a déjà passé presque deux mois dans la zone de transit de l’aéroport genevois, sans droit de sortie ni accès à des services de base (santé, formation, etc.) alors qu’il est mineur. Il est toujours très fragile psychologiquement et exprime des idées noires. La rapidité de la procédure l’a pris de cours et l’a empêché de saisir ce qui lui arrive, de faire valoir les moyens de preuve à l’appui de sa demande d’asile et il se sent victime d’injustice. Au 60ème jour de sa détention, le maximum admit par la loi, Hatim* est libéré. Hatim*, à présent majeur, obtient les mesures superprovisionnelles et peut entrer fin juin 2024 sur le territoire du canton de Genève, avec un permis N (procédure d’asile en cours).

Signalé par: Elisa-asile, Genève

Source: Décision du SEM (07.05.2024), ATAF D-3047/2024

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