Les autorités suisses attendent ses 18 ans pour prononcer son renvoi
Ethan* est né en 2006 en Guinée. Après avoir perdu ses parents, puis sa grand-mère qui l’avait pris en charge, il quitte le pays avec un oncle. Séparé de ce dernier, il arrive comme mineur non accompagné en Suisse en 2023 et demande l’asile. Il a alors 16 ans. Deux ans plus tard, à 18 ans, il reçoit finalement une décision négative sur sa demande d’asile et l’annonce de son renvoi. Ethan* dépose alors un recours auprès du TAF, toujours pendant.
Personne concernée (*Prénom fictif): Ethan*
Origine: Guinée
Statut: permis N
Chronologie
2023 : arrivée en Suisse et demande d’asile (mai)
2024 : début du CFC d’employé de commerce (août)
2025 : refus d’asile par le SEM (mars) et recours auprès du TAF (avril)
Questions soulevées
- À Genève, les décès de plusieurs jeunes ont récemment rappelé à quel point une décision de renvoi, qui tombe après deux ans de reconstruction psychique en Suisse, peut entraîner des conséquences dramatiques pour des jeunes arrivé·es mineur·es. Comment se fait-il que, en connaissance de cause, les autorités continuent à prendre le risque de provoquer un nouveau suicide? Pourquoi aucune mesure n’a été instaurée pour prévenir ce genre de situation?
- Faire trainer la procédure d’un jeune mineur durant deux ans – période durant laquelle il est autorisé à reprendre des études et se construire un avenir – pour pouvoir lui rendre une décision négative dès l’atteinte de sa majorité ne relève-t-il pas de la maltraitance? Qu’est-ce qui peut justifier de laisser un enfant attendre aussi longtemps avec un permis N, dans la peur constante d’une décision négative? Cela ne viole-t-il pas également les principes fondamentaux de protection des droits de l’enfant?
- Pourquoi est-ce que les autorités administratives s’obstinent à traiter des jeunes de 18 ans – souvent atteint·es de multiples traumas psychiques – comme des adultes autonomes sans besoin de protection, alors que les Suisse·sses ont droit à un traitement privilégié jusqu’à 25 ans, notamment lorsqu’iels sont en études?
Description du cas
Ethan* est né en 2006 en Guinée. Alors qu’il est âgé de 6 ou 7 ans, son père décède et, sans nouvelles de sa mère, il est confié à sa grand-mère. En 2021, il perd sa grand-mère et des oncles et tantes subviennent à ses besoins pendant qu’il continue ses études au lycée. Peu après, un conflit entre sa famille et une autre éclate, suite auquel un de ses oncles décide de quitter le pays en emmenant Ethan* avec lui. En 2022, ils arrivent en Tunisie. Des violences perpétrées contre les migrant·es séparent l’oncle et le neveu. Ethan*, sans nouvelles de son oncle, traverse seul la Méditerranée pour rejoindre l’Europe.
En mai 2023, âgé de 16 ans, Ethan* arrive en Suisse et y dépose une demande d’asile. Il est reconnu par les autorités suisses comme requérant d’asile mineur non accompagné (RMNA). Durant les mois qui suivent et jusqu’à sa majorité, Ethan* conserve un permis N (soit le permis délivré en attente d’une décision du SEM). Pendant ce temps, il reprend ses études et entame un certificat fédéral de capacité (CFC) d’employé de commerce. Ayant une santé mentale fragile, il reçoit une prise en charge médicale régulière et un traitement médicamenteux.
En mars 2025, alors qu’Ethan* a tout juste atteint l’âge de 18 ans, le SEM rend finalement la décision sur sa demande d’asile. Estimant qu’Ethan* n’a pas démontré de motifs de persécution en lien avec ceux prévus par l’art. 3 LAsi, mais qu’il a fui le pays en raison d’un différend d’ordre privé, le SEM lui refuse la qualité de réfugié et rejette sa demande d’asile. Il conclut également que son renvoi est raisonnablement exigible.
Appuyé par une mandataire, Ethan* dépose alors un recours auprès du TAF, dans lequel il rappelle sa bonne intégration, sa formation en cours et sa fragilité psychique. Il précise également ne pas avoir d’expérience professionnelle en Guinée (qu’il a quitté alors qu’il était encore au lycée), contrairement aux dires du SEM qui prétend que l’aide qu’Ethan* a parfois apportée à sa grand-mère dans les plantations aurait pu lui permettre de s’insérer sur le marché de l’emploi. Enfin, Ethan* rappelle qu’il n’a plus de famille proche en Guinée et que les oncles et tantes qui y habitent encore lui sont quasiment étranger·ères. Le recours est encore pendant auprès du TAF.
Signalé par: Caritas Genève
Source: Décision du SEM ; recours du mandataire