La législation l’empêche de revoir sa sœur, après 12 ans d’exil
Admise provisoirement depuis 1995, "Danica" se voit refuser le visa de retour dont elle a besoin pour quitter la Suisse et y revenir. Elle voulait revoir sa sœur, qu’elle n’a pas revue depuis plus de 10 ans, mais la législation, durcie en 2004, ne le permet pas.
Personne(s) concernée(s) : « Danica », veuve de guerre née en 1959.
Statut : Admise provisoirement (permis F)
Résumé du cas
Rescapée de Srebrenica, « Danica » vit en Suisse avec ses deux enfants depuis 1995. En 2000, elle a obtenu une admission provisoire. Ce statut précaire lui interdit d’aller à l’étranger sans un « visa de retour » attribué par l’Office fédéral des Migrations (ODM). En 2006, elle demande à pouvoir rendre visite à sa sœur, exilée aux Etats-Unis. Celle-ci est l’unique membre de sa famille encore en vie, et les deux sœurs ne se sont plus vues depuis plus de dix ans. L’ODM refuse en expliquant que les critères légaux de l’art. 5 ODV ne le permettent pas. Cette liste est exhaustive et le cas de « Danica » n’est pas considéré comme « important, personnel et urgent ». Sur recours, le Tribunal administratif fédéral (TAF) confirme la position de l’ODM. Son arrêt du 17.7.2007 reconnaît que le souhait de « Danica » est compréhensible. Il souligne cependant que l’ODV en vigueur depuis 2004 est plus restrictive que l’ancienne. Le TAF estime par ailleurs que « Danica » ne peut se prévaloir de l’art. 8 CEDH, invoqué dans le recours, car cet article, qui garantit le respect de la vie familiale, ne s’applique selon la jurisprudence qu’à la famille au sens étroit (famille nucléaire). Le fait que la sœur soit le dernier membre de la famille proche encore en vie n’est aux yeux du TAF pas en mesure d’assouplir l’appréciation du cas. Le refus d’accorder un visa de retour à « Danica » est ainsi confirmé « au vu de la pratique restrictive voulue par le législateur ».
Questions soulevées
Est-il normal que les restrictions liées à l’admission provisoire empêchent, même après des années, la reprise de contacts familiaux pour les réfugiés de guerre et autres personnes admises à rester en Suisse ?
La limitation des situations autorisant l’octroi d’un visa de retour n’est-elle pas inappropriée, en regard de certaines réalités humaines ? Le Conseil fédéral ne devrait-il pas transformer la liste exhaustive des critères énoncés à l’art 5 ODV en une liste exemplative introduite par la mention « notamment » pour permettre la prise en compte de situations particulières, comme le faisait l’ancienne ODV ?
Chronologie
1995 : 1er juillet : arrivée en Suisse et demande d’asile
2000 : 11 février : admission provisoire (permis F)
2006 : 10 février : demande de visa de retour
2006 : 2 mars : refus de l’ODM, suivi d’un recours (20 mars)
2007 : 17 juillet : arrêt du TAF confirmant le rejet de la demande
Description du cas
« Danica », originaire de Bosnie-Herzégovine, a fui la guerre avec ses deux enfants en 1995. En 2000, elle obtient l’admission provisoire (permis F). Ce statut précaire interdit à ceux qui en bénéficient de quitter la Suisse sans une autorisation expresse. En 2006, « Danica » demande à l’ODM un visa de retour en Suisse, dans le but de rendre visite pendant deux semaines à sa sœur, qui s’est exilée aux Etats-Unis. Sa sœur est l’unique membre de sa famille proche encore en vie, et elle ne l’a pas vue depuis plus de dix ans.
L’ODM refuse cette demande. L’art. 5 ODV stipule en effet que les personnes admises à titre provisoire ne peuvent obtenir des documents de voyage « a) qu’en cas de maladie grave ou de décès d’un membre de la famille; b) pour le règlement d’affaires importantes, strictement personnelles et ne souffrant aucun report; c) pour les excursions scolaires transfrontalières. ». Il s’agit d’une liste limitative, alors que la version précédente, qui mentionnait les critères d’octroi d’un visa de retour ou de documents de voyage pour étrangers, commençait par un « notamment » qui laissait la place à des cas particuliers (art. 4.2 aODV).
Un recours contre cette décision est porté devant le TAF. Dans son arrêt du 17 juillet 2007, le TAF donne raison à l’ODM en soulignant que la législation a été délibérément durcie par la nouvelle ordonnance adoptée par le Conseil fédéral le 27.10.2004. Le TAF repousse en outre l’argument tiré du droit à la vie de famille. L’art. 8 CEDH invoqué dans le recours protège en effet essentiellement les relations entre époux, parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. Il n’est question à aucun moment d’envisager comme une exception le fait que la sœur de « Danica » est le seul membre de sa famille encore en vie.
En fin de compte, le TAF ne voit aucune possibilité de déroger aux critères de l’art. 5 ODV, même s’il admet que la situation de « Danica » est humainement difficile. « Tout aussi compréhensible que puisse paraître le souhait de « Danica » de revoir le dernier membre proche encore en vie de sa famille après plus de 10 ans d’exil, on ne peut prêter au séjour de visite ainsi envisagé, dût-il avoir des effets bénéfiques sur l’état de santé psychique de l’intéressée, le caractère d’affaire importante et strictement personnelle exigé par l’art. 5 ODV ». Le TAF suggère finalement que ce soit la sœur de « Danica » qui vienne lui rendre visite en Suisse avec un visa de touriste.
Signalé par : Site Web du TAF
Sources : Décision du TAF du 17 juillet 2007, C-1093/2006. Informations complémentaires reçues du Service d’Aide juridique aux Exilé-e-s (SAJE), mandataire de la requérante à Lausanne.