Emprisonné à trois reprises dans des conditions reconnues illicites par le Tribunal fédéral. Cas-témoignage
Depuis son arrivée en Suisse en 2012, Samy* été détenu à trois reprises, notamment pour séjour illégal. Les trois fois, il connaitra les conditions de détention illicites des zones carcérales de Lausanne. Une pratique que le Tribunal fédéral reconnaît être une violation de la CEDH.
Mots-clés: conditions illicites de détention, détentions multiples pour séjour illégal
Personne(s) concernée(s) : Samy*
Origine : inconnue
Statut : sans
Chronologie
2012: arrivée en Suisse
2015: détention pour séjour illégal
2019-2020: détention préventive dans le cadre d’une procédure pénale puis pour séjour illégal 2022: détention en raison d’une peine pécuniaire commuée en jours-amendes
Questions soulevées
- Comment se fait-il que les zones carcérales continuent à être utilisées pour des détention dépassant 48 heures alors que le Tribunal fédéral en a reconnu le caractère illicite? Pourquoi aucune mesure n’a été prise pour trouver une alternative à ce type de détention, déjà dénoncé depuis plusieurs années, notamment par le Sous-comité des Nations-Unies pour la prévention de la torture?
- Le fait que des personnes sans adresse connue puissent être condamnées par ordonnance sans en être informées ne viole-t-il pas leur droit de recours et leur droit d’être entendu?
- En Suisse, de nombreuses personnes sont condamnées à des peines de prison ferme, parfois à répétition, pour le seul fait de ne pas avoir de titre de séjour. Alors que cette pratique a montré n’avoir aucun effet, et compte tenu du surpeuplement carcéral que connaissent certains cantons, pourquoi maintenir un tel système?
Description du cas
Samy*, 37 ans, arrive seul en Suisse en 2012. Il ne souhaite pas déposer de demande d’asile et parvient à vivre de petits boulots.
En 2015, à la suite d’un contrôle de police, il est arrêté pour séjour illégal. Il passe 16 jours dans une cellule de la zone carcérale de Lausanne. Samy* raconte des conditions de détention extrêmement difficiles: seulement 30 minutes de sortie le matin et le soir, pas de droit de contacter un∙e avocat∙e. Durant ces 16 jours, il a pu téléphoner une seule fois. Sa cellule de deux mètres de large n’avait pas de fenêtre, il ne voyait donc jamais la lumière du jour. Samy* est finalement transféré à la prison de la Croisée à Orbe, où il est détenu un peu plus de 4 mois.
En 2019, Samy* fait l’objet d’une plainte pénale. En raison de l’absence de titre de séjour, la police considère qu’il présente un risque de fuite et le place en détention. À nouveau, il est d’abord enfermé dans la zone carcérale de Lausanne puis est transféré à la prison de Bois-Mermet. Mais après 55 jours, l’affaire est suspendue en raison de la pandémie de Covid-19. Au lieu d’être libéré, Samy* est alors transféré à la prison de Bellechasse à Fribourg, où il est désormais détenu pour séjour illégal. Il y reste sept mois, jusqu’à l’été 2020.
En 2022, il est arrêté à la suite d’une altercation et est à nouveau enfermé dans la zone carcérale de la place Tunnel, à Lausanne. Samy* ne sait pas pourquoi il y reste détenu, aucune information ne lui est donnée. Il entame alors une grève de la faim. Il apprend par d’autres détenus que les conditions de détention de la zone carcérale sont illicites et qu’il peut rédiger une plainte pour exiger un dédommagement. Aucune information à cet égard ne lui avait été donnée par le personnel du centre. Samy* rédige une lettre, qu’il adresse à la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC).
Après six jours, il est emmené à la prison de la Croisée à Orbe. C’est là qu’il apprend qu’il est en réalité détenu pour une peine pécuniaire de 450 CHF commuée en jours amendes. Samy* dit ne pas savoir à quoi était due cette peine, n’ayant jamais reçu aucun document l’informant de sa condamnation. Au total, il passe un peu plus de neuf mois à la prison de la Croisée.
En janvier 2023, Samy* reçoit une réponse à la plainte qu’il avait adressée à la DGAIC. Celle-ci admet que le Tribunal fédéral avait, dans un arrêt du 1er juillet 2014, estimé que les conditions de détention au sein de la zone carcérale lausannoise violaient l’art. 3 de la CEDH et étaient par conséquent illicites. La DGAIC offre alors à Samy* un dédommagement à hauteur de 50 CHF par jour de détention illicite, soit 300CHF pour les six jours qu’il a passé dans la zone carcérale en 2022.
Signalé par: La Demeure, Association LES LENTS, Vaud
Source: Entretien avec Samy*, lettre du DGAIC