Des informations peu sérieuses qui auraient pu coûter la vie à une jeune femme

L’ODM s’appuie sur des informations erronées dans le cas d’une jeune femme dont la survie dépend d’une opération médicale de pointe irréalisable en Russie. Sans le travail du mandataire, le permis humanitaire lui aurait été refusé.

Personne(s) concernée(s) : « Lena », femme née en 1972

Statut : Permis B étudiant échu (demande de permis humanitaire)

Résumé du cas

« Lena », étudiante russe à Genève, se trouve atteinte d’une maladie mortelle qui implique de nombreux actes médicaux spécialisés. Elle sollicite un permis humanitaire en vue de rester en Suisse et de se faire opérer à l’Hôpital cantonal de Genève. Dans un premier temps, l’ODM annonce qu’il dispose d’informations selon lesquelles ce type d’opération est pratiqué dans un hôpital de Saint-Pétersbourg. Après diverses recherches et vérifications du mandataire, les spécialistes suisses démentent catégoriquement l’existence d’un tel programme médical en Russie. Le chirurgien en chef de cet hôpital dément également l’information de l’ODM, dont il s’avère qu’elle provient du consulat général de Suisse à Saint-Pétersbourg. Mis devant l’évidence, l’ODM autorise l’octroi du permis demandé.

Questions soulevées

 Est-il acceptable que l’ODM s’appuie sur des informations qui se trouvent démenties lorsqu’elles sont soumises à des vérifications, au risque de mettre en danger la vie d’une jeune femme?

 Les enquêtes établies par le truchement de nos représentations diplomatiques sont-elles suffisamment fiables pour ne pas entraîner de graves erreurs d’appréciation ?

 Est-il normal que ce soit au mandataire de la requérante de faire le travail nécessaire à l’établissement des faits et pas à l’administration chargée de l’instruction du cas ?

Chronologie

1997 : arrivée en Suisse et obtention du permis B pour étudiant.

2005 : 8 décembre : demande de permis humanitaire

2006 : 3 février : préavis favorable de l’OCP à Genève

2006 : 26 septembre : transmission au mandataire des informations de l’ODM selon lesquelles les traitements requis sont possibles en Russie.

2006 : 13 février : réponse du mandataire qui dément toute possibilité de traitement.

2007 : 7 janvier : réception d’un permis B humanitaire (art. 13 f OLE)

Description du cas

« Lena », originaire de Russie, étudie en Suisse depuis 1997 au bénéfice d’un permis B étudiant. Elle est atteinte d’une forme grave de diabète qui a déjà entraîné un degré avancé de cécité et qui met sa vie en danger sans traitement adéquat. Une opération chirurgicale qui nécessite une technique médicale de pointe est prévue à l’Hôpital cantonal de Genève. La jeune femme a dès lors besoin d’un permis humanitaire pour demeurer en Suisse et avoir accès au lourd traitement postopératoire. Deux rapports médicaux rédigés par des médecins suisses appuient sa demande de permis et confirment que la survie de la jeune femme dépend de cette opération.

L’OCP donne un préavis favorable le 3 février 2006 à l’octroi d’un permis pour « cas personnel d’extrême gravité » (art. 13 f OLE) et fait suivre le dossier à l’ODM à Berne. Dans un courrier du 26 septembre 2006, l’OCP informe le mandataire de « Lena » que l’ODM affirme que le traitement est possible dans une polyclinique de Saint-Pétersbourg.

Dans le cadre de ses démarches urgentes pour en savoir plus, le mandataire entre en contact avec le consulat général de Suisse à Saint-Pétersbourg, qui affirme qu’il a lui-même fournit ces informations à l’ODM. Pourtant, le médecin spécialiste genevois confirme, après avoir consulté le responsable du registre international portant sur ce traitement, que celui-ci n’est pas pratiqué à Saint-Pétersbourg ni ailleurs en Russie. En fin de compte, le médecin-chef du service chirurgical de la polyclinique de Saint-Pétersbourg, atteint par un intermédiaire parlant le russe, confirme lui-même par courriel que son établissement ne pratique pas de tels traitements médicaux.

Toutes ces informations sont envoyées à l’ODM le 13 novembre 2006. En janvier 2007, « Lena » reçoit le permis pour cas de rigueur demandé, l’ODM ayant visiblement compris que les informations sur lesquelles il s’appuyait initialement n’étaient pas correctes. Ce dernier ne fournit cependant aucune explication à ce sujet.

Signalé par: Bureau de consultation juridique Caritas/EPER (Genève), 23.01.07.

Sources: Demande de permis humanitaire du 8 décembre 2005 et échange de correspondance jusqu’au courrier du 13 novembre 2006 démentant les informations de l’ODM.

Cas relatifs

Cas individuel — 24/09/2024

Après de 20 ans de vie en Suisse, âgée de 65 ans, le SEM lui retire son permis de séjour à cause de son niveau de français jugé trop bas

Après douze ans de séjour en Suisse, Analyn* bénéficie de l’opération Papyrus qui lui permet d’être régularisée. Le renouvellement de son permis est toutefois conditionné à l’obtention d’un diplôme de français de niveau A2. Malgré le suivi de cours de langue hebdomadaires, Analyn* produit un passeport FIDE de niveau A1. Sans tenir compte des difficultés d’apprentissage liées à son âge et à ses problèmes de santé, le SEM refuse alors la prolongation de son autorisation de séjour et prononce son renvoi de Suisse.
Cas individuel — 11/12/2016

Atteint du VIH, il pourrait obtenir un permis de séjour, on lui propose un statut précaire

Atteint du VIH et soumis à un traitement spécifique, « Sinh » se voit à plusieurs reprises refuser un permis pour cas de rigueur par le SPoMi, qui estime que les soins seront accessibles au Vietnam « selon toute probabilité ». Le Tribunal cantonal casse la décision, critiquant la légèreté de l’investigation du SPoMi. Alors que « Sinh » semble remplir les conditions d'octroi d’un permis de séjour, le canton opte pour une admission provisoire.
Cas individuel — 20/12/2011

Une rescapée de Srebrenica est renvoyée
malgré de graves problèmes psychiques

« Halida », rescapée du massacre de Srebrenica, demande l’asile en Suisse en 2000 alors qu'elle a à peine 18 ans. 11 ans plus tard, malgré ses troubles psychiques et la naissance d'un bébé, l’ODM puis le TAF vont prononcer son renvoi (et celui de son nouveau-né) vers la Bosnie. Elle n'y a pourtant quasiment plus de repères ni de réseau familial ou social.
Cas individuel — 24/08/2009

Après avoir travaillé 18 ans en Suisse, il risque l’expulsion

Après 18 ans passés en Suisse, à bâtir routes, immeubles et maisons, "Alkan", travailleur sans-papiers, voit son renvoi prononcé par les autorités suisses.