300 francs ou la prison: des gardes-frontières mettent sous pression une personne en procédure d’asile 

En août 2025, Hamidou* est contrôlé par des gardes-frontières. Il est accusé d’une infraction liée à son passage irrégulier de la frontière suisse-italienne. Pourtant, cela fait deux ans qu’Hamidou* est en Suisse et détient un permis N. Les policiers lui enjoignent de payer immédiatement 300 francs d’amende, faute de quoi il sera conduit en prison. Hamidou* contacte son assistante sociale qui lui conseille de régler la somme demandée. Hamidou* s’exécute contre la remise d’une quittance. La mandataire d’Hamidou*, indignée, contacte ensuite l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF), qui confirme que ce type de procédure est une pratique habituelle.

Personne concernée (*Prénom fictif): Hamidou*

Origine: Burkina Faso

Statut: Permis N

Chronologie

2023: arrivée en Suisse et dépôt d’une demande d’asile (août)

2025: contrôle dans le train et paiement d’une amende (août)

Questions soulevées

  • Quelles garanties existent contre les abus de pouvoir de la part d’agents (de police ou de l’office des douanes), lorsque ceux-ci peuvent agir sans témoin ni sans cadre clair ?  Des douaniers ont-ils le droit d’empêcher un contact avec l’assistante sociale ou la mandataire et de s’interposer?
  • Comment se fait-il que des gardes-frontières ne soient pas tenus d’expliquer clairement les raisons d’un contrôle et les droits de la personne concernée?
  • Qu’est-ce qui justifie de contraindre une personne à payer 300.- CHF de façon immédiate, alors même que son assistante sociale atteste n’avoir jamais reçu l’amende en question ? La menace l’enfermement au seul motif d’une amende non-reçue n’est-elle pas une violation claire du principe de proportionnalité ?
  • Menacer de porter atteinte à un droit fondamental (la liberté de mouvement), alors que des mesures moins graves existent pour atteindre le but visé n’est-il pas une violation de la Constitution ?

Description du cas

En août 2025, alors qu’il rentre de son travail, Hamidou* est contrôlé dans le train par des personnes en civil se présentant comme des gardes-frontières. Dans un premier temps, ils lui indiquent que son permis n’est pas en règle et qu’il est par conséquent en infraction. Hamidou s’en défend : il est en procédure d’asile et dispose d’un permis N valide. Les agents de l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) lui demandent comment il est entré sur le territoire Suisse. Lorsqu’Hamidou répond être arrivé par l’Italie. Ils l’accusent alors d’une infraction d’entrée irrégulière sur le territoire. Malgré ses explications — à savoir qu’il réside en Suisse depuis bientôt deux ans et que ce passage ne remonte à son arrivée dans le pays —, les douaniers refusent de l’entendre et lui enjoignent de payer immédiatement 300 francs, faute de quoi il sera conduit en prison.

Hamidou* demande à contacter son assistant social. Les agents refusent dans un premier temps, affirmant qu’il n’est pas en droit de formuler une telle demande. Sur son insistance, ils finissent par accepter, à condition de parler eux-mêmes, en premier, avec elle. Au téléphone, ils informent l’assistant social qu’une amende est en suspens depuis l’arrivée d’Hamidou* en Suisse, à la suite d’un retour forcé à la frontière. Celui-ci indique n’avoir jamais été informé de cette amende, pas plus qu’Hamidou*, et tente de négocier l’envoi d’une facture plutôt qu’un paiement immédiat. Les douaniers refusent.

Une fois qu’il parvient à parler au téléphone à son assistant social, Hamidou* lui confie qu’il n’a pas l’argent que les policiers lui demandent mais qu’il souhaite à tout prix éviter d’être détenu. Son assistant social lui a indiqué qu’il devait payer l’amende, ajoutant que selon lui, la police est « au-dessus de tout ». Sur ses conseils, Hamidou* demande à son épouse de réunir la somme demandée et parvient à payer les 300 francs, en échange d’une quittance.

La mandataire juridique d’Hamidou*, indignée par le comportement des agents, contacte l’OFDF qui confirme que ce type de procédure est fondée sur un signalement RIPOL, le système de recherches informatisées de police et découle d’une infraction à l’art. 115 LEI. L’OFDF confirme que l’acquittement de ce type d’amende au risque d’une détention est une pratique habituelle.

Hamidou* rapporte avoir vécu ce contrôle et ce paiement d’amende sous pression comme une humiliation et une violence supplémentaire. Déjà marqué par son parcours, il vit la scène comme une stigmatisation liée à son apparence et à son statut.

Signalé par : EPER Vaud

Sources : Correspondances de l’EPER

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