Une protection insuffisante pour les femmes migrantes victimes de violences conjugales
Suisse, 01.07.2021 – Les femmes migrantes victimes de violences conjugales ne sont pas suffisamment protégées en Suisse. La législation actuelle et son application poussent les victimes ayant un statut précaire à rester auprès de leur conjoint violent. C’est le constat du groupe de travail «Femmes migrantes & violences conjugales» dans un rapport parallèle au premier rapport de la Suisse sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul (CI), écrit en collaboration avec l’ODAE romand.
En cas de violences conjugales, l’art. 50 al. 1 let. b LEI permet de prolonger l’autorisation de séjour de certaines victimes étrangères lorsqu’il y a rupture de la vie commune dans les trois années qui suivent leur mariage. Mais la loi ne remplit pas sa mission initiale : protéger réellement contre les violences conjugales les conjointes étrangères venues en Suisse par regroupement familial; le champ et les conditions de son application étant trop restreints.
Dans son communiqué de presse, le groupe de travail relève ainsi que dans la pratique, les dispositions légales et la jurisprudence sont appliquées de manière restrictive, voire arbitraire. Autre constat: la formation et la sensibilisation du personnel amené à traiter les situations de migrantes victimes de violences conjugales sont clairement insuffisantes. Alors que l’art. 59 CI prévoit une protection et l’octroi d’un permis autonome pour toutes les victimes dont la résidence dépend de celle de leur conjoint, la Suisse a émis une réserve à cet article au moment de la ratification: le droit prévu à l’art. 50 LEI est uniquement accordé aux époux·ses de ressortissant·es suisses et de titulaires d’un permis C. La loi suisse instaure ainsi une discrimination entre victimes en fonction du statut du conjoint. La législation actuelle ne permet pas non plus de protéger sans risque d’expulsion les migrantes sans statut légal et les femmes étrangères vivant en concubinage.
De nombreuses victimes n’osent pas quitter leur conjoint par peur de perdre leur permis de séjour et/ou de se faire expulser. Pour celles qui voient leur permis renouvelé en application de l’art. 50 LEI, la peur ne faiblit pas : le fait de toucher une aide sociale reste un motif de révocation du permis et certaines victimes reçoivent des menaces de non-renouvellement dès l’année suivante, alors que leur dépendance à l’assistance publique est étroitement liée aux séquelles des violences subies.
Entre autres recommandations, le groupe de travail « Femmes migrantes & violences conjugales » demande donc à la Suisse d’assurer que les renseignements fournis par les services spécialisés dans le domaine des violences conjugales soient systématiquement pris en compte comme preuves de violences ; d’assurer une meilleure formation des professionnel·les en contact avec les victimes ; de lever la réserve à l’art. 59 CI et d’ouvrir le droit prévu à l’art. 50 LEI à toutes les personnes étrangères victimes de violences conjugales, quel que soit leur statut et celui de leur conjoint ; et de ne plus permettre que le seul recours à l’aide sociale amène par la suite un retrait du permis des victimes.
Sources: Groupe de travail Femmes migrantes & violences conjugales, Rapport parallèle sur les violences conjugales à l’égard des femmes étrangères ayant un statut précaire en Suisse à l’attention du GREVIO, juin 2021. Groupe de travail Femmes migrantes & violences conjugales, « Une protection insuffisante pour les femmes migrantes victimes de violences conjugales« , communiqué de presse, 30.06.2021.
Voir également: ODAE romand, Femmes étrangères victimes de violences conjugales, rapport thématique, mars 2016.