Une décroissance carcérale plutôt que l’entassement en prison?

Suisse, 30.05.2024 – Les conditions pénitentiaires helvétiques sont régulièrement dénoncées comme problématiques: surpopulation, manque d’accès à l’air libre, mauvaise aération, «quasi-absence de lumière naturelle» dans les cellules, … Après les prisons de Champ-Dollon (GE) et du Bois-Mermet (VD), c’est la prison de Porrentruy dans le canton du Jura qui est sous le feu des critiques. La Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) a d’ailleurs réclamé sa fermeture immédiate, au titre de violations de l’art. 3 CEDH.

Selon les expert·es, ces conditions de vie difficiles et cette surpopulation ne résulte pas d’une sous-dotation du nombre d’établissements pénitentiaires, mais d’un recours plus important à la détention (voir notre dossier Panorama n°6).

Selon Julie de Dardel: «L’évolution de la criminalité ne joue qu’un rôle marginal dans la surpopulation carcérale. L’augmentation démographique n’explique pas non plus l’ampleur du phénomène. En réalité, toutes les études réalisées en Suisse montrent qu’on fait un usage intensif de la détention avant jugement et qu’on inflige encore énormément de courtes peines privatives de liberté, principalement via des ordonnances pénales.» «Un bilan devrait être fait sur l’efficacité des politiques pénales au vu des coûts financiers et sociaux de l’incarcération». «Nous avons vu que les augmentations successives des places de détention à Genève n’ont pas permis de mettre fin à la surpopulation. Le même phénomène de spirale a eu lieu dans différents pays du monde au cours des dernières décennies. On sait que les autorités sont frileuses en matière de changements dans les politiques pénales, mais des alternatives au tout répressif existent et l’ouverture de ce débat est essentiel pour sortir durablement de la crise.». 

Source: le Courrier, «Les prisons de la honte», 30.05.2024.

Voir également: ODAE romand, «Quand le statut fait la peine: la détention des personnes étrangères en Suisse», dossier Panorama n°6, décembre 2023.

Cas relatifs

Cas individuel — 08/12/2025

Victime de mariage forcé et de traite, elle est menacée de renvoi

Mariée de force à 15 ans, Albina* subit des violences conjugales répétées. Elle donne naissance à une fille en 2007. En 2013, elle est séquestrée en Grèce et contrainte à se prostituer. Elle parvient à divorcer en 2014. En janvier 2017, elle arrive en Suisse où elle débute une relation avec Mustafa*, qui devient vite marquée par des violences physiques. En décembre 2018, après une violente agression, elle parvient à alerter la police. Mustafa* est expulsé du domicile. Albina* est prise en charge dans un foyer pour victimes de violences conjugales. En septembre 2019, Mustafa* est condamné pour lésions corporelles et injures et Albina* pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.
Cas individuel — 08/10/2024

Coincé en Suisse sans liberté de mouvement parce que le SEM et le TAF estiment qu’il n’a pas su prouver son identité

Félicien*, originaire du Soudan du Sud, vit en Suisse au bénéfice d’un permis B (Cas de rigueur), obtenu à la suite d’un accident qui l’a rendu paraplégique. Bien qu’enregistré par le SEM comme ressortissant soudanais, Félicien* n’a aucune pièce d’identité ni autre document d’état civil national démontrant son origine: il lui est donc impossible de voyager. Après avoir en vain tenté de se faire établir un passeport soudanais, il demande un passeport pour étrangers auprès des autorités suisses. Le SEM rend une décision négative à sa demande, au motif qu’il est de la responsabilité de Félicien* de démontrer son identité. Saisi par recours, le TAF confirme la décision du SEM, considérant que Félicien* n’a pas démontré que les autorités de son pays d’origine auraient prononcé à son endroit un refus formel, définitif et infondé.
Cas individuel — 03/10/2024

"Avec les limites du permis F, je ne me sens pas complet"

Salih*, né en 1999 en Érythrée, arrive en Suisse en 2015, à l’âge de 16 ans. Il demande l’asile sans documents d’identité et reçoit un permis F en 2017. Il apprend le français et obtient un AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) puis un CFC (certificat fédéral de capacité) de peintre en bâtiment. Malgré ses efforts d’intégration, ses demandes de transformation de son permis F en permis B sont systématiquement rejetées par le Secrétariat d’État aux migrations en raison de l’absence de documents d’identité officiels. Les autorités suisses lui demandent à plusieurs reprises de se procurer ces documents auprès de l’ambassade d’Érythrée, mais Salih* refuse de s’y rendre, craignant pour sa vie en raison de ses critiques à l’égard du gouvernement érythréen. Une situation qui le place dans une impasse.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.