Selon les cantons, les requérants d’asile sont inégaux devant le droit de travailler

L’accès au marché du travail pour les requérants d’asile n’est pas toujours facile : méfiance des employeurs face à un statut de séjour précaire, difficultés linguistiques, manque de formation sont autant d’obstacles à la recherche d’un emploi pour des personnes qui n’ont pas accès à des mesures d’intégration. Mais en dehors de ces difficultés structurelles, les statistiques de l’asile de ces dernières années dévoilent un sérieux écart entre les cantons: dans les Grisons, 1 requérant d’asile sur 3 travaille, tandis qu’à Berne cette proportion n’est que d’1 sur 50 et elle est totalement nulle dans le Jura. Il n’existe manifestement pas de lien entre ces chiffres et le taux de chômage dans ces cantons.

Selon un récent article paru dans Swissinfo, ces écarts sont plutôt le fait de politiques cantonales très disparates. En effet, après les trois premiers mois d’interdiction de travail qui suivent une demande d’asile, les cantons disposent d’une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne l’octroi d’autorisations de travail aux requérants. Ainsi, si dans le canton des Grisons le chef de l’Office des migrations estime que ces personnes sont nécessaires à l’économie locale, à Berne les délais d’octroi d’un permis de travail pratiqués par le Service des migrations ont un effet clairement dissuasif pour les employeurs.

Or, comme le montre notre récent rapport Asile à deux vitesses, les personnes dont le besoin de protection est le plus manifeste attendent pendant des années une décision sur leur demande d’asile, restant ainsi durablement avec un statut de demandeur d’asile. Un accès difficile voire impossible au marché du travail limite sérieusement les perspectives d’intégration de ces personnes, qui sont pourtant vouées à rester en Suisse.

Source : Swissinfo, Pas tous égaux devant le droit de travailler, 1er juin 2014.

Cas relatifs

Cas individuel — 08/12/2025

Victime de mariage forcé et de traite, elle est menacée de renvoi

Mariée de force à 15 ans, Albina* subit des violences conjugales répétées. Elle donne naissance à une fille en 2007. En 2013, elle est séquestrée en Grèce et contrainte à se prostituer. Elle parvient à divorcer en 2014. En janvier 2017, elle arrive en Suisse où elle débute une relation avec Mustafa*, qui devient vite marquée par des violences physiques. En décembre 2018, après une violente agression, elle parvient à alerter la police. Mustafa* est expulsé du domicile. Albina* est prise en charge dans un foyer pour victimes de violences conjugales. En septembre 2019, Mustafa* est condamné pour lésions corporelles et injures et Albina* pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.
Cas individuel — 08/10/2024

Coincé en Suisse sans liberté de mouvement parce que le SEM et le TAF estiment qu’il n’a pas su prouver son identité

Félicien*, originaire du Soudan du Sud, vit en Suisse au bénéfice d’un permis B (Cas de rigueur), obtenu à la suite d’un accident qui l’a rendu paraplégique. Bien qu’enregistré par le SEM comme ressortissant soudanais, Félicien* n’a aucune pièce d’identité ni autre document d’état civil national démontrant son origine: il lui est donc impossible de voyager. Après avoir en vain tenté de se faire établir un passeport soudanais, il demande un passeport pour étrangers auprès des autorités suisses. Le SEM rend une décision négative à sa demande, au motif qu’il est de la responsabilité de Félicien* de démontrer son identité. Saisi par recours, le TAF confirme la décision du SEM, considérant que Félicien* n’a pas démontré que les autorités de son pays d’origine auraient prononcé à son endroit un refus formel, définitif et infondé.
Cas individuel — 03/10/2024

"Avec les limites du permis F, je ne me sens pas complet"

Salih*, né en 1999 en Érythrée, arrive en Suisse en 2015, à l’âge de 16 ans. Il demande l’asile sans documents d’identité et reçoit un permis F en 2017. Il apprend le français et obtient un AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) puis un CFC (certificat fédéral de capacité) de peintre en bâtiment. Malgré ses efforts d’intégration, ses demandes de transformation de son permis F en permis B sont systématiquement rejetées par le Secrétariat d’État aux migrations en raison de l’absence de documents d’identité officiels. Les autorités suisses lui demandent à plusieurs reprises de se procurer ces documents auprès de l’ambassade d’Érythrée, mais Salih* refuse de s’y rendre, craignant pour sa vie en raison de ses critiques à l’égard du gouvernement érythréen. Une situation qui le place dans une impasse.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.