Renvoi forcé et décès d’Abdoul Mariga : l’indifférence des autorités suisses pointée du doigt

Plus de 10 ans après son arrivée en Suisse, où il avait déposé une demande d’asile, Abdoul Mariga a été arrêté à son domicile par la police vaudoise, placé en détention administrative puis renvoyé en Guinée par vol spécial le 6 novembre 2019. Il est décédé à Conakry le 17 octobre dernier à l’âge de 30 ans. 

Avant son renvoi, Abdoul Mariga travaillait comme cuisinier au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Malgré les conditions de vie difficiles pour les personnes déboutées de l’asile, il avait obtenu un CFC et avait réussi à devenir financièrement autonome. Son employeur était prêt à lui faire signer un contrat à durée indéterminée, en cas d’obtention d’un permis B. Alors que les autorités cantonales vaudoises soutenaient sa demande d’octroi de permis pour cas de rigueur (art. 14 al. 2 LAsi), le SEM et le TAF, puis le TF l’ont refusée, au motif que son intégration n’avait pas « un caractère exceptionnel ». La situation d’Abdoul Mariga avait été documentée dans le cas 323 de l’ODAE romand.

Abdoul Mariga avait toujours contesté être de nationalité guinéenne. C’est pourtant vers ce pays qu’il a été renvoyé par vol spécial. Depuis son arrivée à Conakry, il avait multiplié les démarches pour obtenir un permis de séjour des autorités guinéennes, en vain. Sans documents d’identité, sans ressources financières et sans famille ni réseau dans le pays, il s’est retrouvé dans une précarité extrême. Sa santé s’est vite dégradée et il n’a pas pu avoir accès à des soins médicaux et aux médicaments nécessaires au traitement de son hépatite B. Abdoul Mariga est décédé moins d’un an après son arrivée en Guinée.

Dans son communiqué du 14 décembre 2020, le collectif Droit de rester rappelle que « si les autorités fédérales avaient suivi la recommandation [du SPOP], Abdoul Mariga serait certainement toujours en vie ». A la même date, le collectif a adressé un faire-part annonçant son décès à tous·tes les collaborateurs·trices du SEM.

L’ODAE romand partage l’indignation du collectif Droit de rester, ainsi que l’exigence que des explications soient données sur les manquements qui ont conduit à ce drame.

Sources : Collectif droit de rester pour tou·te·s, « faire-part », 14.12.2020 ; Collectif droit de rester pour tout·te·s, « Renvoyé dans l’indifférence, décédé dans la solitude : la vie brisée d’Abdoul Mariga », 14.12.2020 ; Benito Perez, « une vie tronquée », Le Courrier, 14.12.2020;

Voir également: ODAE romand, « Malgré une intégration professionnelle réussie, le permis de séjour lui est refusé », cas 323, 07.12.2017, mis à jour en décembre 2020.

Cas relatifs

Cas individuel — 24/09/2024

Après de 20 ans de vie en Suisse, âgée de 65 ans, le SEM lui retire son permis de séjour à cause de son niveau de français jugé trop bas

Après douze ans de séjour en Suisse, Analyn* bénéficie de l’opération Papyrus qui lui permet d’être régularisée. Le renouvellement de son permis est toutefois conditionné à l’obtention d’un diplôme de français de niveau A2. Malgré le suivi de cours de langue hebdomadaires, Analyn* produit un passeport FIDE de niveau A1. Sans tenir compte des difficultés d’apprentissage liées à son âge et à ses problèmes de santé, le SEM refuse alors la prolongation de son autorisation de séjour et prononce son renvoi de Suisse.
Cas individuel — 11/12/2016

Atteint du VIH, il pourrait obtenir un permis de séjour, on lui propose un statut précaire

Atteint du VIH et soumis à un traitement spécifique, « Sinh » se voit à plusieurs reprises refuser un permis pour cas de rigueur par le SPoMi, qui estime que les soins seront accessibles au Vietnam « selon toute probabilité ». Le Tribunal cantonal casse la décision, critiquant la légèreté de l’investigation du SPoMi. Alors que « Sinh » semble remplir les conditions d'octroi d’un permis de séjour, le canton opte pour une admission provisoire.
Cas individuel — 03/07/2013

Après 20 ans en Suisse, « Houria » se voit réattribuer un statut précaire

« Houria » et sa fille mineure voient leur permis B remplacé, après dix années, par une admission provisoire. Le Tribunal cantonal vaudois, qui reconnaît les efforts d’« Houria » pour trouver un emploi, estime néanmoins que sa détresse psychologique et l’incapacité totale de travailler qui en résulte ne justifient pas sa dépendance à l’aide sociale.
Cas individuel — 20/12/2011

Une rescapée de Srebrenica est renvoyée
malgré de graves problèmes psychiques

« Halida », rescapée du massacre de Srebrenica, demande l’asile en Suisse en 2000 alors qu'elle a à peine 18 ans. 11 ans plus tard, malgré ses troubles psychiques et la naissance d'un bébé, l’ODM puis le TAF vont prononcer son renvoi (et celui de son nouveau-né) vers la Bosnie. Elle n'y a pourtant quasiment plus de repères ni de réseau familial ou social.