Règlement Dublin : le TAF précise les critères pour l’application de la clause de souveraineté

Dans un arrêt du 4 juin 2018, le TAF admet le recours d’un jeune afghan sur la base de la clause de souveraineté pour des raisons humanitaires (art. 29a al. 3 de l’Ordonnance 1 sur l’asile). Le jeune homme avait demandé l’asile en Suisse en 2015, mais le SEM avait décidé de ne pas entrer en matière et de le renvoyer en Bulgarie en application du Règlement Dublin. La mandataire du requérant d’asile a plaidé la minorité et l’état de santé du recourant, mais ces aspects n’ont pas été retenus. Selon le TAF, le requérant n’a pas rendu vraisemblable sa minorité et ses problèmes de santé ne sont pas suffisamment graves pour constituer un obstacle à son transfert.  Cependant, pour le TAF, le SEM n’a pas effectué un examen complet des circonstances dans ses déterminations et a notamment « omis » d’examiner la longueur de la procédure. Or, le TAF est d’avis que cet élément temporel est susceptible de créer des préjudices, surtout chez les personnes vulnérables, qui priment sur l’intérêt public au respect du Règlement Dublin. La demande d’asile du jeune afghan sera donc finalement traitée par la Suisse.

Sources : décision du SEM, recours au TAF, décisions incidentes, arrêt du TAF E-6725/2015 du 4 juin 2018 ; voir également le cas « Imran » sur la problématique liée à la reconnaissance de la minorité des requérants d’asile et le rapport de l’ODAE romand sur les renvois et l’accès aux soins pour les étrangers à la santé précaire

Cas relatifs

Cas individuel — 01/04/2025

Prolongation de délai Dublin: le TAF casse une décision du SEM qu’il juge simplificatrice et décontextualisée

Nadir*, originaire d’Afghanistan, arrive en Suisse en 2023 et dépose une demande d’asile. Le SEM refuse d’entrer en matière et lui signifie une décision de renvoi Dublin. En janvier 2024, le SEM obtient une prolongation du délai de transfert de Nadir* au motif que ce dernier se serait opposé à son renvoi: lorsque l’autorité cantonale a tenté d’arrêter Nadir* dans ses locaux afin de le renvoyer en Croatie, ce dernier est accusé de s’être tapé la tête contre un mur avant d’être hospitalisé. Nadir* recourt contre la décision auprès du TAF. Le tribunal admet le recours, soulignant que Nadir* s’est présenté tous les lundis auprès du service de la population de façon parfaitement collaborative. Il reconnait le caractère involontaire de son hospitalisation, laquelle a été ordonnée par un médecin. Le TAF estime que le SEM propose une lecture «simplificatrice et décontextualisée» qui fait abstraction de la réalité médicale.
Cas individuel — 12/02/2025

Alors que la Suède avait reconnu sa minorité, la Suisse change sa date de naissance et prononce son renvoi

Adil*, originaire d’Afghanistan, demande l’asile en Suède en 2015. La Suède examine son âge et reconnait sa minorité, cependant elle rejette sa demande d’asile. Adil* se rend alors en Suisse, et réitère sa demande de protection. Mais le SEM lui attribue une nouvelle date de naissance, qui le rend majeur, et prononce son renvoi vers la Suède au nom du règlement Dublin III. Adil* dépose un recours auprès du TAF contre cette décision, mais celui-ci est rejetée. Adil* et son mandataire déposent alors un nouveau recours, auprès du Comité des droits de l’enfant (CDE). En mai 2024, celui-ci rend sa décision : il estime que la Suisse a violé l’intérêt supérieur d’Adil* (art. 3 de la Convention) et son droit d’être entendu (art. 12) en le déclarant majeur. Il reproche à la Suisse d’avoir ignoré l’expertise de détermination de l’âge réalisée en Suède et de n’avoir pas procédé à une évaluation complète de son développement physique et psychologique.
Cas individuel — 02/03/2023

À sa sortie de l’hôpital, elle est renvoyée avec ses enfants par vol spécial en Croatie

Fiona* a subi des exactions de la part des autorités croates. Sa situation de vulnérabilité n’est pas prise en compte par le SEM et elle y est renvoyée sous la contrainte avec ses enfants.
Cas individuel — 30/08/2010

Double renvoi Dublin d’une famille
en dépit de sa grande vulnérabilité

Violentées et traumatisées en Hongrie et au Kosovo, « Maia » et ses deux filles se voient renvoyées une deuxième fois vers la Hongrie. La Suisse ne reconnaît aucune raison humanitaire qui justifierait de faire application de la clause de souveraineté.