Ouvrir des portes de sortie de l’aide d’urgence et de l’irrégularité

Kalzang a quitté le Tibet en 2013 à la recherche d’une vie plus sûre, alors âgé de 20 ans. Après avoir demandé l’asile en Suisse, il est frappé par une injonction de quitter le territoire. Depuis son arrivée, il a toujours vécu dans des hébergements collectifs : logé dans des dortoirs de 12 ou de 6 personnes, il a connu sept centres en cinq ans. Depuis qu’il est débouté de l’asile, il perçoit une aide d’urgence de huit francs par jour. Une entreprise lui a proposé une formation certifante, mais les sans-papiers n’y ont pas droit.

L’histoire de Kalslang est l’un des portraits issus du rapport « Personnes sortant du système d’asile. Profils, itinéraires (ou échappatoires), perspectives », publié en décembre 2019 par la Commission fédérale des migrations (CFM). Enrichi de ces témoignages et des réflexions d’acteurs∙trices du terrain, ce rapport fait le constat d’une situation particulièrement problématique pour les personnes qui restent de longues années dans l’illégalité, et notamment pour ceux et celles qui sont débouté∙e∙s de l’asile, mais qui ne peuvent pas quitter la Suisse en raison d’obstacles à l’exécution du renvoi ou de l’impossibilité de se procurer des documents de voyage.

En conclusion, la Commission formule différentes recommandations parmi lesquelles figurent une ouverture au marché du travail, la délivrance d’une carte d’identification pour les personne inscrites à l’aide d’urgence, des conditions de vie conformes aux droits de l’enfant pour les mineur∙e∙s débouté∙e∙s, ainsi qu’un examen systématique et actif en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur (art. 14 al. 2 LAsi) pour les personnes qui correspondent aux critères de régularisation.

Sources : CFM, Personnes sortant du système d’asile : profils, échappatoires, perspectives, Communiqué, 18.12.2019 ; CFM, Personnes sortant du système d’asile : profils, itinéraires (ou échappatoires), perspectives, Rapport, 18.12.2019 ; CFM, Recommandations, 18.12.2019 ; Giada De Coulon, « ‘Dispartitions’ : des vies bloquées en Suisse », VE 176, février 2020.

Cas relatifs

Cas individuel — 30/01/2024

Gravement atteint dans sa santé, il survit à l’aide d’urgence depuis 7 ans

«Je n’ai pas de permis, je dois donc me battre à deux niveaux: pour ma situation administrative et pour ma santé.» Atteint d’une maladie grave qui affecte le système nerveux, Badri* est venu en Suisse afin d’être soigné car il ne pouvait pas l’être en Géorgie. Il demande l’asile, mais sa requête est rejetée par le SEM qui ordonne son renvoi. Badri perd peu à peu son autonomie, son corps se paralyse. Une opération en 2021 lui redonne une mobilité partielle, mais il a besoin d’un suivi médical pluridisciplinaire régulier. Il demande alors le réexamen de la décision du SEM en démontrant l’absence de soins en Géorgie, mais il reçoit à nouveau une réponse négative. Depuis sept ans, Badri survit donc avec une aide d’urgence de 275 CHF/mois.
Cas individuel — 12/12/2017

Elle quitte l’Italie à 2 ans. Aujourd’hui retraitée, elle risque le renvoi

Francesca, 64 ans, risque un renvoi vers l’Italie qu’elle a quitté à l’âge de 2 ans. Elle aurait dû obtenir un permis B lorsqu’elle travaillait mais celui-ci ne lui a pas été accordé. A sa retraite, le SEM nie son droit de demeurer en Suisse, pourtant prévu par l’ALCP. Parallèlement, une longue procédure doit être menée pour obtenir les prestations financières auxquelles elle a droit.
Cas individuel — 07/05/2014

Malgré l’impossibilité du renvoi, une famille passe 4 ans à l’aide d’urgence

Menacé en Palestine, « Issam » prend la fuite avec sa femme « Samra ». La Suisse leur refuse l’asile en 2003, décision confirmée sur recours en 2009. L’ODM, informé dès 2009 que le retour en Cisjordanie est rendu impossible par les accords d’Oslo, ne statue sur leur demande de réexamen qu’en avril 2014, malgré les graves problèmes psychiques de « Samra ». En attendant, le couple et ses 3 enfants seront restés 4 ans à l’aide d’urgence.
Cas individuel — 18/06/2007

Brisée par des viols, elle reste par erreur 7 mois à l’aide d’urgence

Incapable de parler des viols qui l’ont traumatisée, "Yeshi" est frappée de non entrée en matière. Lorsqu’elle parvient à parler à sa thérapeute des violences qu'elle a subies, l'ODM laisse passer 7 mois avant de traiter sa demande de reconsidération. 7 mois de trop à l’aide d’urgence.