Onze ans à l’aide d’urgence: témoignage

« Cette situation, c’est beaucoup de souffrances pour moi. J’ai connu dix-sept centres collectifs de l’EVAM, abris antiatomiques aussi […] et le Sleep-in à Morges. […] Je suis très démoralisé et épuisé par toutes ces années d’errance et d’absence de perspectives. Je n’ai pas pu construire ma vie. Ma situation ici est bloquée et je n’arrive plus à envisager mon avenir. Ma vie ne sert à rien et je me sens inutile. »

Le collectif Droit de rester pour tou·te·s a recueilli le témoignage de Danaël, un Erythréen à l’aide d’urgence depuis 11 ans. Il raconte son parcours, sa situation actuelle et son sentiment d’impuissance. Pour rappel, l’aide d’urgence est octroyée aux personnes déboutées de l’asile, qui sont privées du droit de percevoir l’aide sociale et de travailler en vertu des articles 81 et 82 LAsi.

Dans son communiqué, Droit de rester dénonce la situation et rappelle que Danaël s’est vu refuser l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur (art. 14 al. 2 LAsi), au motif qu’il ne serait pas suffisamment intégré, malgré un réseau et de nombreuses lettres de soutien.

Depuis plusieurs années, les correspondant·e·s de l’ODAE constatent que très peu de dossiers sont présentés par les cantons au SEM, en charge d’approuver les cas de rigueur. L’interprétation des critères pour les cas de rigueur est extrêmement restrictive et les autorités ont souvent des exigences qui vont au-delà du cadre légal.

Source : Collectif droit de rester pour tout·te·s, « Danaël : plus de onze ans à l’aide d’urgence », 13.11.2020.

Cas relatifs

Cas individuel — 24/04/2025

Séparation d’une famille: les autorités suisses octroient un permis B aux enfants mais renvoient les parents

Isak*, Katrina*, et leurs trois enfants, une famille rrom fuyant des persécutions en Serbie, arrivent en Suisse en novembre 2011 pour y demander l’asile. Les enfants ont alors respectivement 13 (Lorena*), 11 (Sonja*) et 7 ans (Danilo*). En juin 2012, le SEM (alors ODM) rejette leur demande d’asile et ordonne leur renvoi. Cinq ans plus tard, en novembre 2017, le SEM approuve la régularisation du séjour des deux sœurs ainées, dont une est encore mineure. En février 2018, l’autorité confirme le renvoi des parents et du frère cadet. Ce dernier sera finalement régularisé à son tour en 2022, à sa majorité. En 2023, la troisième demande de régularisation des parents, déposée notamment sur la base de l’unité familiale (les trois enfants possédant des permis B), est classée sans suite.
Cas individuel — 30/01/2024

Gravement atteint dans sa santé, il survit à l’aide d’urgence depuis 7 ans

«Je n’ai pas de permis, je dois donc me battre à deux niveaux: pour ma situation administrative et pour ma santé.» Atteint d’une maladie grave qui affecte le système nerveux, Badri* est venu en Suisse afin d’être soigné car il ne pouvait pas l’être en Géorgie. Il demande l’asile, mais sa requête est rejetée par le SEM qui ordonne son renvoi. Badri perd peu à peu son autonomie, son corps se paralyse. Une opération en 2021 lui redonne une mobilité partielle, mais il a besoin d’un suivi médical pluridisciplinaire régulier. Il demande alors le réexamen de la décision du SEM en démontrant l’absence de soins en Géorgie, mais il reçoit à nouveau une réponse négative. Depuis sept ans, Badri survit donc avec une aide d’urgence de 275 CHF/mois.
Cas individuel — 07/05/2014

Malgré l’impossibilité du renvoi, une famille passe 4 ans à l’aide d’urgence

Menacé en Palestine, « Issam » prend la fuite avec sa femme « Samra ». La Suisse leur refuse l’asile en 2003, décision confirmée sur recours en 2009. L’ODM, informé dès 2009 que le retour en Cisjordanie est rendu impossible par les accords d’Oslo, ne statue sur leur demande de réexamen qu’en avril 2014, malgré les graves problèmes psychiques de « Samra ». En attendant, le couple et ses 3 enfants seront restés 4 ans à l’aide d’urgence.
Cas individuel — 18/06/2007

Brisée par des viols, elle reste par erreur 7 mois à l’aide d’urgence

Incapable de parler des viols qui l’ont traumatisée, "Yeshi" est frappée de non entrée en matière. Lorsqu’elle parvient à parler à sa thérapeute des violences qu'elle a subies, l'ODM laisse passer 7 mois avant de traiter sa demande de reconsidération. 7 mois de trop à l’aide d’urgence.