Le traitement accéléré des demandes d’asile épinglé par la Cour européenne des droits de l’homme

Dans son arrêt du 2 février 2012, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu, à l’unanimité, à la violation par la France de l’art. 13 CEDH (droit à un recours effectif) combiné avec l’art. 3 CEDH (interdiction des traitements inhumains ou dégradants). Le recourant soutenait avoir été privé de recours effectif lors du traitement de sa demande d’asile en procédure prioritaire.

Le recourant, originaire du Darfour et considéré comme proche des rebelles par le pouvoir en place, est arrêté à la frontière française en décembre 2008 et condamné pour infraction à la législation sur les étrangers. Durant l’audience, l’homme affirme avoir exprimé son souhait de demander l’asile dès son arrestation mais en vain. Alors qu’il est en détention, il décide de contester la décision de renvoi prise à son encontre devant le Tribunal administratif (TA) mais son recours est rejeté. Il est ensuite placé en rétention administrative où il formule sa demande d’asile. Sa requête est classée en procédure accélérée (dite « prioritaire ») pour la simple raison qu’elle intervient après la décision de renvoi. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejette sa demande et il dépose un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), recours sans effet suspensif en procédure prioritaire. Il saisit donc la Cour européenne des droits de l’homme pour demander la suspension de la décision de renvoi prise à son encontre. La Cour accède à sa requête et en octobre 2010, la CNDA lui reconnaît le statut de réfugié.

Dans sa décision, la Cour européenne constate que les recours étaient théoriquement disponibles, mais que leur accessibilité pratique était limitée par le classement de la demande en procédure prioritaire. Premièrement, elle relève le caractère automatique d’un tel classement et ses conséquences en termes de délais. Ainsi le recourant disposait d’un délai de recours devant le TA de 48 heures contre 2 mois en procédure dite « normale ». De même, le délai d’introduction de la demande d’asile passe de 21 jours à 5 jours en procédure prioritaire. En outre, la Cour souligne la brièveté de l’entretien avec l’OFPRA (30 minutes) alors qu’il s’agissait d’une première demande complexe. Deuxièmement, la Cour relève l’insuffisance des assistances juridique et linguistique et les difficultés matérielles et procédurales pour le recourant d’apporter des preuves alors qu’il était privé de liberté. Enfin, la Cour déplore l’absence d’effet suspensif des recours devant la CNDA en procédure prioritaire. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), tiers intervenant dans l’affaire, dénonce quant à lui certaines lacunes dans les procédures d’asile accélérées. Il affirme avoir notamment observé une tendance, dans plusieurs Etats européens, à privilégier « une interprétation excessivement large des notions de demandes clairement abusives ou manifestement infondées ». Pour l’UNHCR, c’est l’intervention de la Cour EDH qui a pallié les insuffisances du système français dans le cas d’espèce.

La Cour conclut donc que, si elle n’avait pas été saisie par le recourant pour demander à la France de suspendre son renvoi, ce dernier aurait pu être refoulé au Soudan avant que la CNDA ne transmette sa décision. Les autorités françaises auraient alors procédé à l’expulsion d’une personne dont le risque de persécution a par la suite été reconnu.

Source : arrêt CEDH I.M. contre France (requête no 9152/09, 2.02.2012) ; Communiqué de presse du greffier de la Cour, 14.02.2012.

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