La Suisse devrait continuer à accorder l’aide sociale aux requérants frappés de NEM Dublin jusqu’à l’exécution de leur transfert

La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de se prononcer sur l’interprétation de la directive 2003/9/CE qui fixe les conditions minimales d’accueil devant être garanties à tous les demandeurs d’asile se trouvant dans les pays de l’Union. Ces conditions s’appliquent également à la Suisse, en tant que membre de l’espace Schengen/Dublin.

Saisie par le Conseil d’État français, la Cour de justice devait avant tout déterminer le moment précis à partir duquel débute et prend fin l’obligation de garantir ces normes minimales, notamment dans le cas particulier des transferts Dublin, lorsque l’État responsable du traitement de la demande d’asile n’est pas celui sur le territoire duquel se trouve le requérant.

Dans son arrêt du 27 septembre 2012 (C-179/11), la Cour a estimé que les standards minimaux d’accueil, à savoir le logement, la nourriture et l’habillement ainsi qu’une allocation journalière (art.2 let.j directive 2003/9/CE) doivent être accordés dès l’instant où est introduite une demande d’asile. En outre, la CJUE ajoute que ces conditions matérielles doivent être assurées aussi longtemps que le requérant est autorisé à demeurer sur le territoire de l’État concerné, y compris si cet État décide – en application du règlement 343/2003 – de requérir un autre État membre en tant qu’État responsable de l’examen de la demande d’asile. Ainsi, entamer un processus de détermination de l’État responsable ne met pas fin à l’obligation d’octroyer les conditions minimales d’accueil, puisque seul le transfert effectif du demandeur peut l’interrompre.

En Suisse, les requérants d’asile frappés d’une décision de non-entrée en matière (NEM) au titre des accords de Dublin (art.34 al.2 let.d LAsi) devraient donc continuer à bénéficier de l’aide sociale – et non être mis à l’aide d’urgence – et ce jusqu’au moment de leur transfert vers l’État européen compétent d’examiner leur demande.

Sources : Cour de justice de l’Union européenne, communiqué de presse n°119/12 « Les conditions minimales d’accueil du demandeur d’asile doivent être octroyées par l’Etat membre saisi d’une demande d’asile même s’il requiert un autre Etat membre qu’il estime responsable de la demande », 27 septembre 2012

Arrêt de la CJUE C-179/11 du 27 septembre 2012

Cas relatifs

Cas individuel — 13/02/2024

Décès d’un jeune demandeur d’asile: la responsabilité directe des autorités suisses

Cas 459 / 13.02.2024 Alam* arrive en Suisse à 17 ans et demande l’asile après avoir vécu des violences en Grèce où il a reçu protection. Les autorités suisses prononcent une non-entrée en matière et son renvoi, malgré des rapports médicaux attestant de la vulnérabilité d’Alam*. Celui-ci met fin à ses jours à la suite du rejet de son recours par le TAF.
Cas individuel — 22/12/2022

Débouté à deux reprises malgré des agressions homophobes attestées en Ukraine

Témoignage – Emir* quitte l’Ukraine en 2020 suite à des persécutions liées à son orientation sexuelle. En Suisse, sa demande d’asile est refusée par le SEM et son recours rejeté par le TAF. Il repart en Ukraine, où il subit de nouvelles violences. Revenu en Suisse, sa demande d’asile essuie le même refus des autorités.
Cas individuel — 18/07/2022

Menacé de renvoi Dublin par la Suisse, il doit survivre dans la clandestinité

Franck* a fui son pays natal en raison de son orientation sexuelle. Arrivé en Suisse, il est frappé d’une décision de renvoi Dublin vers l’Italie et entre dans la clandestinité. Au cours de sa procédure d’asile, comme dans la clandestinité, Franck* est confronté à des conditions de vie difficiles.
Cas individuel — 04/05/2012

Renvoi Dublin imminent d’une famille
qui risque des mauvais traitements

En 1998, « Arjun » et « Revathi » fuient des persécutions au Sri Lanka et parviennent à s’établir en Grèce. Durant plusieurs années, ils y subissent des humiliations et attaques racistes répétées. Lors d’une de ces agressions, « Arjun » perd un doigt. La famille dépose alors une demande d’asile en Suisse. L’ODM puis le TAF ordonnent leur renvoi en Grèce, où ils risquent d’autres mauvais traitements, voire un retour forcé au Sri Lanka.