La Confédération prête à sanctionner financièrement les cantons pour qu’ils exécutent systématiquement les renvois Dublin

Certaines dispositions de la nouvelle Loi sur l’asile (voir l’onglet Révision LAsi) sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 dont celles concernant l’exécution des renvois par les cantons, avec la possibilité pour la Confédération d’appliquer des sanctions financières aux cantons qui ne renverraient pas systématiquement les requérants d’asile déboutés (art. 46 al. 3 ; art. 89b LAsi).

Le 9 septembre, le directeur du SEM Mario Gattiker s’était montré rassurant dans une interview accordée au Temps, déclarant que « le législateur, qui a accepté la révision de l’asile en juin dernier, nous a donné cet instrument. Mais ce n’est pas ce que nous recherchons. Nous préférons collaborer et faire en sorte que tout le monde avance dans la même direction ». Or, d’après un reportage de 10vor10 diffusé le 20 janvier 2017, repris par un article de la NZZ, le SEM a décidé de sanctionner les cantons de Vaud et Neuchâtel pour ne pas avoir expulsé certains requérants dans les délais prévus par le Règlement Dublin. En effet, la Suisse dispose de 6 mois pour renvoyer un requérant d’asile vers l’Etat responsable du traitement de sa demande, délai qui peut être prolongé au maximum deux fois, dans certaines circonstances (par exemple si la personne est déclarée « disparue »). A l’issue de ce délai, la Suisse doit entrer en matière et traiter elle-même la demande d’asile.

Ainsi, les cantons devront rembourser le montant du forfait fédéral d’aide sociale et d’intégration pour les personnes dont ils n’ont pas exécuté le renvoi et qui entrent donc dans la procédure d’asile nationale (douze personnes dans le canton de Vaud et une personne à Neuchâtel). D’après la NZZ, cela pourrait représenter jusqu’à 100’000 francs par cas. Les autorités vaudoises se sont dit prêtes à expliquer pour chaque cas pourquoi le renvoi n’avait pas pu avoir lieu.

Il se peut que des raisons « matérielles », indépendantes de la volonté des autorités cantonales, aient empêché l’exécution des renvois. Ou alors, les autorités ont-elles choisi de faire preuve d’humanité dans certaines situations, en renonçant au renvoi de personnes particulièrement vulnérables (voir les exemples relatés dans la brève Un appel dénonce « l’application aveugle du Règlement Dublin », dans la continuité d’une série de mobilisations récentes et Des personnalités parrainent des réfugiés menacés de « renvoi Dublin ») ? Dans ce deuxième cas, il serait problématique que les cantons faisant usage de leur marge de manœuvre pour respecter la dignité humaine se retrouvent confrontés au risque d’être financièrement sanctionnés.

En 2016, la Suisse a renvoyé 3’750 personnes vers un autre Etat Dublin (SEM, Statistiques en matière d’asile 2016). À l’inverse, 469 personnes ont été transférées vers la Suisse depuis un autre Etat Dublin.

Sources : Kantone wegen verschlafener Rückschaffungen bestraft, Neue Zurcher Zeitung, 20 janvier 2017 ; Bund streicht Kantonen Asyl-Subventionen, SRF Schweizer Radio und Fernsehen, 10vor10, 20 janvier 2017 ; Les cantons romands sont priés d’expulser d’avantage, Le Matin, 31 octobre 2016

Cas relatifs

Cas individuel — 17/12/2025

Régularisation refusée après 9 ans de vie en Suisse, à cause d’un séjour de cinq mois en Autriche

Saif*, ressortissant irakien, demande l’asile en Suisse en 2016. Après un refus, il se rend en Autriche où il sollicite également l’asile. Renvoyé en Suisse en 2017 en vertu du règlement Dublin, il survit à l’aide d’urgence. En 2024, il demande la régularisation de son statut auprès de l’Office cantonal de la population qui refuse, au motif que son lieu de séjour n’était pas connu entre octobre 2016 et mars 2017. En mai 2025, après 9 ans d’aide d’urgence, l’état psychique de Saif* se détériore et il suit un traitement médical. Avec l’aide d’une mandataire, il dépose une nouvelle demande de réexamen sur la base de l’art. 83 al. 4 LEI. Le SEM rejette cette demande, estimant que l’accès aux soins est possible en Irak.
Cas individuel — 13/05/2013

Le TAF confirme le transfert en Italie de « Saba »
malgré les viols qu’elle y a subis

« Saba » dépose une demande d’asile en Suisse en mai 2012 et reçoit une décision de transfert en Italie, où elle a passé les trois dernières années (système Dublin). Recourant contre cette décision, elle invoque les conditions de vie déplorables et les trois viols subis en Italie. Pourtant, le TAF rejette le recours et considère que son renvoi peut être exécuté.