Détention administrative en Valais: en voie d’assouplissement?

Les conditions de détention administrative du centre de Détention LMC (mesures de contrainte) de Granges ont fait l’objet de nombreuses dénonciations au cours des 15 dernières années.

La Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), dans son rapport au Conseil d’État du 27 mai 2010, avait notamment relevé un caractère carcéral particulièrement marqué et recommandé d’assouplir les conditions de détention. Des recommandations répétées dans ses rapports successifs jusqu’en 2019.

En septembre 2016, une pétition signée par plusieurs détenus du centre demandait de remédier à une situation contraire au respect de la dignité humaine.  Elle était transmise pour traitement à la Commission de justice du Grand Conseil. Celle-ci rendait, en mars 2017, un rapport avec des recommandations en vue d’une mise en conformité avec la loi. Cela touchait aux aménagements, à l’occupation des personnes détenues, à la prise en charge médicale et au personnel à disposition.

En parallèle et depuis 2015, des associations et des citoyen·nexs se regroupaient dans un collectif pour défendre notamment l’accès des détenu·exs à une information sur leurs droits et pour dénoncer les conditions d’enfermement. Au cours des années 2017 et 2018, la situation du centre LMC et le contexte politique étaient fortement médiatisés.

En juin 2019, le Grand Conseil valaisan a accepté un montant d’investissement pour la construction d’une nouvelle prison en remplacement des bâtiments fort vétustes de Crêtelongue, à Granges. Dans cette planification, il est prévu que le centre LMC soit déplacé en 2024, avec la construction d’une nouvelle aile indépendante adossée à la prison préventive des Iles à Sion. Le projet architectural est conçu de façon à pouvoir répondre aux nombreuses critiques et recommandations des dernières décennies concernant la détention administrative.

La mise en route de ce nouveau site sera donc scrutée attentivement par les divers témoins et par les associations de défense des droits humains.

Cas relatifs

Cas individuel — 14/04/2025

«Mes enfants sont terrorisés. Je ne sais plus quoi faire ni comment arrêter ce calvaire.»

Léonie*, ressortissante Burundaise, est victime de persécutions dans son pays. En juin 2022, elle demande l’asile en Suisse avec ses trois enfants. Leur demande est rejetée en 2023 par le SEM puis par le TAF. La famille subit alors un véritable harcèlement policier: alors que Léonie* est hospitalisée en psychiatrie, son fils est arrêté à leur domicile pour être détenu à l’aéroport puis relâché. Sa fille aînée est également arrêtée à deux reprises, emmenée à l’aéroport puis relâchée. Enfin, la fille cadette se retrouve hospitalisée en psychiatrie, dans un état de choc, après que des agents ont essayé de l’arrêter au cabinet de sa psychologue. Malgré ces arrestations à répétition, Léonie* et ses enfants demandent le réexamen de leur décision d’asile, en raison d’éléments nouveaux survenus au Burundi et de l’état de santé de Léonie* qui se dégrade. Le SEM suspend l’exécution du renvoi de cette dernière, mais refuse de réexaminer la demande des enfants, désormais tous trois majeurs.
Cas individuel — 29/10/2024

Quatre ans de procédure pour se voir reconnaître son statut de victime de violences domestiques

Arrivée en Suisse en 2018 à la suite de son mariage avec un ressortissant suisse, Amanda* est rapidement victime de violences domestiques. À la suite de la séparation du couple, et malgré les documents attestant des violences subies par Amanda* ainsi que de ses craintes, fondées, de représailles de sa belle-famille en cas de retour, le SEM refuse de renouveler son autorisation de séjour et prononce son renvoi vers le Sri-Lanka. Amanda* dépose un recours au TAF contre cette décision. En août 2023, le TAF lui donne raison : il annule la décision du SEM et ordonne l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur d’Amanda* sur la base de l’art. 30 LEI qui permet de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte de cas individuels d’une extrême gravité (F-2969/2020). Le TAF que reconnait les violences domestiques subies par Amanda* – que le SEM avait minimisées, voire niées – et leurs conséquences sur son état de santé, tout comme les difficultés de réintégration en cas de retour au pays d’origine, constituent des éléments suffisants pour admettre la prolongation de son séjour en Suisse.
Cas individuel — 15/10/2024

Le TF ordonne la reconnaissance du statut d’apatride pour un ressortissant kurde

Kurde de Syrie vivant en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire (permis F), Aryian* dépose une demande de reconnaissance d’apatridie en 2015. Le SEM puis le TAF refusent sa demande, au motif qu’Aryian*, qui appartient à la catégorie des Kurdes dits ajnabi, aurait soit reçu la nationalité syrienne en 2012, soit n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour l’obtenir. Saisi par Aryian*, le Tribunal fédéral (TF) casse la décision du SEM. Dans son arrêt rendu en avril 2021, il réfute l’absence de «raisons valables» au départ d’Aryian* de la Syrie ainsi que l’affirmation selon laquelle le recourant n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour acquérir la nationalité syrienne. Il considère en outre qu’on ne peut exiger d’Aryian* qu’il attende de pouvoir retourner en Syrie pour obtenir la citoyenneté. Le TF admet donc le recours et ordonne au SEM de reconnaitre Aryian* comme apatride.
Cas individuel — 09/09/2024

Le TAF suspens le renvoi d’un Palestinien vers le Liban en raison des coupes budgétaires infligées à l’UNRWA

Palestinien originaire du camp de réfugié·es de Rashidieh au Sud-Liban, Tareq* dépose un recours contre le rejet de sa demande d'asile, prononcé par le SEM en février 2024. Dans son arrêt du 16 mai 2024, le TAF reconnait que le SEM aurait du tenir compte de la récente détérioration de la situation au sud du pays depuis le 7 octobre 2023, ainsi que celle de la situation financière de l’UNRWA, affectée par de nombreuses coupures budgétaires. Le TAF admet partiellement le recours et renvoie l’affaire au SEM pour une nouvelle décision.