Des organisations dénoncent le refoulement de MNA et des problèmes d’accès à la procédure d’asile à la frontière tessinoise

Plusieurs organisations, dont Amnesty International, l’OSAR et l’ONG italienne Associazione Studi Giuridici per l’Immigrazione (ASGI) (voir leur rapport en italien) s’inquiètent de la situation à la frontière Côme-Chiasso où sont bloquées des centaines de personnes migrantes. Une délégation d’Amnesty International s’est rendue sur place à la mi-août et y a mené des entretiens. L’organisation a publié un communiqué de presse alarmant, dénonçant en particulier que certaines personnes ont indiqué avoir été empêchées de déposer une demande d’asile par les gardes-frontières et que les droits des enfants ne sont pas respectés.

« De nombreux mineurs non accompagnés ont été entravés par les autorités suisses lorsqu’ils ont cherché à passer la frontière, alors que selon leurs dires, ils étaient venus chercher protection et tentaient de rejoindre des membres de leur famille en Suisse ou dans d’autres pays européens », déclare Denise Graf, coordinatrice asile à la section suisse d’Amnesty. Pourtant, les autorités suisses ont le devoir d’identifier les mineurs, de les prendre en charge, de faire en sorte qu’ils soient informés de leurs droits et de leur faciliter le regroupement familial, souligne l’organisation.

Par ailleurs, Amnesty s’interroge quant à la formation des gardes-frontières qui prennent la décision de rediriger le requérant vers le SEM ou de le refouler vers l’Italie. Cette décision est prise suite à une brève audition parfois menée sans traducteurs et pour laquelle les gardes-frontières ne sont pas formés. Chaque personne qui franchit la frontière a le droit de demander l’asile en Suisse, rappelle Amnesty International. Ces constats sont partagés par l’OSAR qui regrette la « grande confusion et incertitude [qui] règnent auprès des personnes concernées quant à leur situation juridique réelle ». L’OSAR a par ailleurs souligné l’incohérence de l’intensification de ces refoulements alors que le nombre de demandes d’asile en Europe et en Suisse est en baisse.

Soulignons que cette pratique apparaît également contradictoire alors que l’Union européenne a mis sur pied un programme de relocalisation auquel participe la Suisse, afin de soulager les pays submergés par les demandes tels que la Grèce et l’Italie. Dans un communiqué daté du 15 juin, la Commission européenne a d’ailleurs appelé les Etats à intensifier leurs efforts en matière de réinstallation et de relocalisation.

Autre son de cloche du Conseil fédéral, qui a affirmé que les personnes qui manifestent leur volonté de chercher protection ont bien accès au système de l’asile suisse. Pour le Conseil fédéral, de nombreuses personnes veulent transiter par la Suisse pour rejoindre d’autres pays et non pas y demander l’asile, les refoulements exécutés par les gardes-frontières sont donc conformes à l’accord bilatéral de réadmission. Face à ces informations contradictoires, les conseillers nationaux Verts ont adressé une question urgente au Conseil fédéral demandant des explications sur la situation actuelle à la frontière Côme/Chiasso.

Sources : Communiqué de la Commission européenne du 15 juin 2016 ; Communiqué de l’OSAR du 18 août 2016, Communiqué d’Amnesty international du 31 août 2016 et Communiqué du Conseil fédéral du 2 septembre 2016 ; Rapport « Le riammissioni di cittadini stranieri alla frontiera di chiasso: profili di illegittimita’ » de l’ASGI d’août 2016.

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