Décision de renvoi Dublin en Italie : des avis médicaux insuffisamment pris en compte par l’ODM

Dans un arrêt du 13 juin 2012, le TAF a cassé une décision de l’ODM qui a refusé de réexaminer une précédente décision de renvoi Dublin, en raison du non-paiement d’une avance de frais.

La décision concerne un couple de Nigérians qui voit sa demande d’asile rejetée en février 2012. En application des accords de Dublin, l’ODM décide de les transférer en l’Italie. En avril 2012, ils déposent une demande de réexamen, alléguant de nouveaux faits médicaux qui s’opposent à leur transfert en Italie. Les certificats médicaux qu’ils transmettent à l’ODM révèlent que la femme présente un « kyste ovarien hémorragique avec risque de torsion et de rupture, ainsi qu’un état dépressif majeur ». Les rapports soulignent par ailleurs que dans cette situation, elle nécessite des soins susceptibles de devoir être dispensés dans l’urgence. Enfin, ils attestent du fait qu’elle n’est pas apte à voyager. Mais pour l’ODM, qui demande le versement d’une avance de frais de 600 francs, ces éléments « ne remettent pas en cause la capacité de [la recourante] à être transférée en Italie ». L’argent n’étant pas versé à temps par les recourants, la demande est déclarée irrecevable.

Pour le TAF, les éléments avancés par les recourants étaient nouveaux et ne pouvaient pas être exposés plus tôt. Ils étaient par ailleurs de nature à influer sur la décision. C’est donc à tort que l’ODM a considéré la demande de réexamen comme vouée à l’échec et demandé le paiement d’une avance de frais (art. 17b al. 3 LAsi). Par ailleurs, le Tribunal estime que l’avis de l’ODM « non seulement n’est en rien étayée, mais contredit l’avis des médecins ». Selon le TAF, l’Office aurait donc dû procéder à un examen plus approfondi vu le caractère potentiellement urgent des soins devant être dispensés et eu égard à « la situation parfois délicate prévalant en Italie en ce qui concerne l’accueil des requérants d’asile ». L’ODM doit désormais examiner la demande du couple et leur verser la somme de 600 francs à titre de dépens.

Source : Arrêt du TAF D-3098/2012 du 13 juin 2012.

Cas relatifs

Cas individuel — 04/03/2025

Renvoi Dublin vers la Croatie: le TAF reconnait que le SEM fait fi de l’avis des médecins

Le SEM refuse d’entrer en matière sur la demande d’asile de Ahmad*, originaire d’Afghanistan, au motif que la Croatie serait l’État responsable de sa prise en charge (art.31a LAsi ; règlement Dublin III). Ahmad* passe les six mois de son délai de renvoi Dublin dans l’angoisse, connait plusieurs épisodes d’hospitalisation notamment en raison d’une tentative de suicide. Début novembre 2023, Ahmad* demande au SEM d’entrer en matière sur sa demande d’asile au vu du fait que le délai de son transfert est échu. Mais le SEM refuse et Ahmad* dépose un recours auprès du TAF. Dans son arrêt du 21 juin 2024, le tribunal constate qu’Ahmad* a été hospitalisé à plusieurs reprises, ce dont le SEM avait été dument informé, et qu’au vu des motifs d’hospitalisation, il ne saurait être retenu contre lui de s’être fait hospitaliser volontairement pour échapper au renvoi. Le TAF estime qu’ «en laissant entendre que le recourant aurait provoqué ses hospitalisations pour empêcher son transfert en Croatie, le SEM fait fi des avis des médecins ayant ordonné celle-ci». Enfin, le tribunal souligne que rien n’indique qu’Ahmad* ait tenté d’échapper aux autorités, puisqu’il a été informé de sa dernière convocation après son retour de l’hôpital. Il admet le recours et annule la décision du SEM de décembre 2023 en l’invitant à reconnaître la responsabilité de la Suisse pour examiner la demande d’asile d’Ahmad*.
Cas individuel — 01/01/2024

Harcelée en Croatie, une famille est menacée d’y être renvoyée

En 2019, Romina* et Khaleel* quittent l’Afghanistan avec leur fille (Emna*), encore mineure et leurs trois fils majeurs. Ils demandent l’asile en Suisse en octobre 2020, après être passé∙es par la Croatie. La famille raconte avoir tenté de passer la frontière entre la Bosnie et la Croatie à plus de 15 reprises, avoir été arrêté∙es par les autorités croates puis maltraité·es, volé·es, déshabillé·es et frappé·es. En février 2020, le SEM rend une décision NEM Dublin. Le mandataire d’Ehsan* et Noura* dépose un recours au TAF contre la décision du SEM. En avril 2021, le SEM annule sa décision de NEM Dublin pour le second fils et sa famille, qui reçoivent une admission provisoire. En juillet 2021, le TAF prononce les arrêts qui rejettent respectivement les recours de Moussa*, de Ehsan* et Noura* et de Romina* et Khaleel*.
Cas individuel — 28/11/2023

Renvoyé en Croatie malgré un recours pendant au CAT

Emprisonné et torturé pendant 18 ans, il est renvoyé en Croatie malgré un recours déposé auprès du CAT.
Cas individuel — 07/11/2012

L’ODM le renvoie en Italie sans aucune garantie de prise en charge médicale

En 2010, « Hakim », après avoir transité par l’Italie, dépose une demande d’asile en Suisse. Souffrant de graves troubles psychiques, son transfert sur la base des accords de Dublin nécessite, selon le TAF, de prendre des précautions particulières. Mais l’ODM exécutera son transfert sans attendre des autorités italiennes la garantie d’une prise en charge adéquate.