À Genève, il faut maintenant passer par la police de l’aéroport pour recevoir l’aide d’urgence

Le 15 mars 2018, 47 organisations genevoises, rassemblées sous le nom de Coalition article 12, ont rendu publique une lettre adressée au Conseil d’Etat du canton. Ces associations dénoncent la nouvelle pratique de l’OCPM concernant le renouvellement de l’attestation de délai de départ, également connue sous le nom de « papier blanc ». Ce document permet aux personnes ne disposant pas d’une autorisation de séjour en cours de validité (principalement NEM et débouté·e·s de l’asile) de recevoir l’aide d’urgence (environ 10 francs par jour). L’article 12 de la Constitution suisse prévoit en effet le droit à un minimum vital, pour toute personne présente sur le territoire helvétique. Depuis le 1er mars 2018, une étape supplémentaire est imposée aux personnes concernées : elles doivent se rendre à l’aéroport, au Service asile et rapatriement (SARA) de la police internationale, pour recevoir un premier tampon. Suite à cette nouvelle démarche, elles doivent, comme auparavant, aller à l’OCPM pour obtenir un autre tampon, pour ensuite se rendre dans les locaux de l’Hospice général où l’aide d’urgence est délivrée. Outre la multiplication des déplacements, les membres de la coalition dénoncent l’aspect dissuasif de cette mesure qui s’oppose aux droits des individus concernés. L’aéroport et la police représentant les plus grandes craintes des requérant·e·s d’asile débouté·e·s. Cette nouvelle procédure risque donc de les pousser à disparaître dans la clandestinité, ce qui serait contraire à l’effet escompté, de l’avis même de Mauro Poggia, Conseiller d’Etat de tutelle de l’Hospice général.

Sources : Coalition article 12, Lettre au Conseil d’Etat genevois, 15 mars 2018, La Tribune de Genève, Requérants déboutés poussés au poste de police, 22 mars 2018.

Cas relatifs

Cas individuel — 09/10/2025

Une famille avec trois enfants se trouve à l’aide d’urgence depuis 10 ans

Fuyant des représailles familiales suite à une grossesse issue d’un viol, Susanne* demande l’asile en Suisse en 2013. Elle donne naissance à son premier enfant peu après. Sa demande est rejetée en avril 2014. En octobre 2018, son mari Bernard* la rejoint en Suisse. Sa demande d’asile est également refusée. En 2019 puis 2021, Suzanne* donne naissance à deux autres enfants. La plus jeune est diagnostiquée d’un trouble du spectre autistique, d’une microcéphalie légère, d’un retard de croissance et d’un trouble alimentaire, pour lesquels elle a besoin d’un accompagnement socioéducatif spécialisé, d’un suivi médical et d’une surveillance quotidienne. La famille demande à plusieurs reprises au SEM le réexamen de leur demande d’asile, mais leurs requêtes sont toutes rejetées. En octobre 2025, la famille se trouve toujours en Suisse, sans espoir de régularisation. Les deux parents et les trois enfants vivent à l’aide depuis plus de 10 ans.
Cas individuel — 24/04/2025

Séparation d’une famille: les autorités suisses octroient un permis B aux enfants mais renvoient les parents

Isak*, Katrina*, et leurs trois enfants, une famille rrom fuyant des persécutions en Serbie, arrivent en Suisse en novembre 2011 pour y demander l’asile. Les enfants ont alors respectivement 13 (Lorena*), 11 (Sonja*) et 7 ans (Danilo*). En juin 2012, le SEM (alors ODM) rejette leur demande d’asile et ordonne leur renvoi. Cinq ans plus tard, en novembre 2017, le SEM approuve la régularisation du séjour des deux sœurs ainées, dont une est encore mineure. En février 2018, l’autorité confirme le renvoi des parents et du frère cadet. Ce dernier sera finalement régularisé à son tour en 2022, à sa majorité. En 2023, la troisième demande de régularisation des parents, déposée notamment sur la base de l’unité familiale (les trois enfants possédant des permis B), est classée sans suite.
Cas individuel — 30/01/2024

Gravement atteint dans sa santé, il survit à l’aide d’urgence depuis 7 ans

«Je n’ai pas de permis, je dois donc me battre à deux niveaux: pour ma situation administrative et pour ma santé.» Atteint d’une maladie grave qui affecte le système nerveux, Badri* est venu en Suisse afin d’être soigné car il ne pouvait pas l’être en Géorgie. Il demande l’asile, mais sa requête est rejetée par le SEM qui ordonne son renvoi. Badri perd peu à peu son autonomie, son corps se paralyse. Une opération en 2021 lui redonne une mobilité partielle, mais il a besoin d’un suivi médical pluridisciplinaire régulier. Il demande alors le réexamen de la décision du SEM en démontrant l’absence de soins en Géorgie, mais il reçoit à nouveau une réponse négative. Depuis sept ans, Badri survit donc avec une aide d’urgence de 275 CHF/mois.