Menacé de mort dans son pays, il fait l’objet d’une décision de renvoi

La demande d’asile de "Betim", originaire du Kosovo, est rejetée par l’ODM, qui exige son renvoi. "Betim" fait recours en s’appuyant sur une enquête de l’OSAR qui atteste qu’il est en danger de mort dans son pays. Mais le TAF ne veut rien entendre.

Personne(s) concernée(s) : « Betim », homme, né en 1973

Statut : Demandeur d’asile – permis N (rejet de la demande et renvoi)

Résumé du cas

Considéré dans son pays comme un « collaborateur » pour avoir dénoncé un Albanais à la police serbe, « Betim » est menacé de mort. Il fuit vers l’Europe, et dépose une demande d’asile en Suisse le 5 septembre 2005. L’ODM rejette cette demande. Après recours, le TAF confirme cette décision le 12 février 2007. Une enquête de l’OSAR, qui appuyait ses dires est écartée par le TAF sous prétexte qu’elle repose sur les déclarations des proches de « Betim » et des personnes qui connaissent sa famille. Le TAF suppute que ces personnes ont pu mentir afin que « Betim » obtienne l’asile en Suisse. Quant aux arguments médicaux que « Betim » avance, ils sont balayés par le TAF, parce que les médecins suisses n’ont pas encore établi de diagnostic précis.

Questions soulevées

 Est-il normal que les autorités suisses nient a priori toute validité à une enquête de l’OSAR menée sur place auprès des proches du requérant ?

 L’autorité n’est-elle pas trop exigeante en matière de preuve pour admettre la vraisemblance du danger que court le demandeur d’asile ?

 Comment les autorités suisses peuvent-elles affirmer que des problèmes de santé non élucidés ne sont pas sérieux alors que les médecins eux-mêmes multiplient les investigations ?

 Pourquoi les autorités suisses n’ont-elles pas elles-mêmes mené une enquête au Kosovo pour déterminer les risques alors qu’elles en ont les moyens ?

Chronologie

1993-1995 : Graves querelles entre « Betim » et les habitants de son village

1995 : Départ de « Betim » en Allemagne

2000 : Retour volontaire au Kosovo

2004 – 2005 : Réception de lettres contenant des menaces de mort

2005 : 5 septembre : Arrivée de « Betim » en Suisse et dépôt d’une demande d’asile

2006 : 1er décembre : Décision de l’ODM de refus de la demande d’asile et de l’exécution du renvoi

2006 : 22 décembre : Recours contre cette décision

2007 : 12 février : Arrêt du TAF confirmant la décision négative de l’ODM (renvoi exécutoire)

La décision du TAF est entrée en force et le renvoi est exécutoire.

Description du cas

En 1993, après avoir dénoncé un voisin à la police serbe, « Betim », d’ethnie albanaise, est perçu par les habitants de son village albanais comme étant un délateur au service de l’autorité serbe. Ne supportant plus les menaces proférées par ses voisins et craignant pour sa vie, il part en Allemagne en 1995. Il y reste jusqu’en 2000, année où il retourne volontairement au Kosovo. Dans son village, plus personne ne lui adresse la parole et toute sa famille, par peur de représailles, a été obligée de déménager. Les menaces se font plus virulentes. Il reçoit plusieurs lettres contenant des menaces de mort signées par l’AKSH, une milice armée albanaise. En 2001, un autre homme considéré comme étant un « collaborateur », au même titre que « Betim », est assassiné.

« Betim » décide alors de quitter de nouveau son pays. Il arrive en Suisse en septembre 2005. Il y dépose une demande d’asile. En décembre 2006, l’ODM rend une décision négative. « Betim » fait recours en s’appuyant sur diverses preuves. D’une part, il fournit un rapport de l’OSAR suite à une enquête menée au Kosovo. Ce rapport rassemble les témoignages du père et de deux frères de « Betim » ainsi que de deux autres personnes qui connaissent la famille et qui sont des notables particulièrement en mesure d’évaluer les risques, car ils sont des ex-membres de l’UCK. Tous sont catégoriques : « Betim » court un danger de mort s’il rentre au Kosovo. La famille de « Betim » ne veut pas qu’il rentre, parce que sa simple présence mettrait en danger toute la famille, surtout la femme et les trois enfants de « Betim » qui habitent chez l’un de ses frères. D’autre part, « Betim » est en proie à de sérieux problèmes de santé (malaises, saignements annaux et urinaires) qui n’ont pas encore pu être élucidés par les médecins suisses, malgré deux hospitalisations et une opération. « Betim » est aussi victime d’un état général d’anxiété. Un certificat médical atteste de ces maux.

Malgré cela, le TAF appuie la décision de l’ODM en se reposant sur les arguments suivants : l’histoire de « Betim » n’est pas vraisemblable et non fondée. Pour ce qui est de l’enquête de l’OSAR, le TAF estime qu’elle n’est pas crédible, puisque basée sur les déclarations de membres de la famille de « Betim » ou de personnes connaissant bien la famille. Ainsi, le TAF pense que ces personnes ont exagéré la menace qui plane sur « Betim » afin que ce dernier puisse obtenir l’asile en Suisse. Quant aux problèmes de santé que connaît « Betim », le TAF juge qu’ils ne sont pas assez sérieux, alors même que l’autorité judiciaire reconnaît qu’ils n’ont pas encore pu faire l’objet d’un diagnostic fiable. Le TAF affirme également que si « Betim » était vraiment en danger dans son village, il n’aurait qu’à aller s’installer ailleurs au Kosovo, alors que les témoins de l’enquête de l’OSAR ont souligné que « Betim » ne serait plus en sûreté nulle part à l’intérieur de la province en raison de la petite taille du territoire.

Signalé par : Service d’aide juridique aux exilé-e-s – SAJE (Lausanne), 26.02.07.

Sources : Arrêt du TAF du 12.02.07, certificat médical datant du 07.01.07, enquête de l’OSAR rendue le 31.01.07.

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