Le TAF suspens le renvoi d’un Palestinien vers le Liban en raison des coupes budgétaires infligées à l’UNRWA

Palestinien originaire du camp de réfugié·es de Rashidieh au Sud-Liban, Tareq* dépose un recours contre le rejet de sa demande d’asile, prononcé par le SEM en février 2024. Dans son arrêt du 16 mai 2024, le TAF reconnait que le SEM aurait du tenir compte de la récente détérioration de la situation au sud du pays depuis le 7 octobre 2023, ainsi que celle de la situation financière de l’UNRWA, affectée par de nombreuses coupures budgétaires. Le TAF admet partiellement le recours et renvoie l’affaire au SEM pour une nouvelle décision.

Personne concernée (*Prénom fictif): Tareq*

Origine: Palestinien (réfugié du Liban)

Statut: permis N

Chronologie

2022 : arrivée en Suisse et dépôt d’une demande d’asile
2023 : renvoi Dublin depuis l’Allemagne en Suisse, reprise de la demande d’asile
2024 : refus d’asile et décision de renvoi (fév.), recours au TAF (mars), recours partiellement admis (mai).

Questions soulevées

  • Si le SEM venait à reconnaitre que l’UNRWA ne peut plus assurer sa mission au Liban, cela ne devrait-il pas ouvrir l’accès à une reconnaissance par la Suisse du statut de réfugié ipso facto, à savoir automatique, sur la base de l’art. 1D para. 2 de la Convention de Genève, conformément à ce que préconise la Cour de Justice de l’Union européenne ?
  • Si le SEM reconnait que l’UNRWA au Liban ne peut plus fonctionner en raison des coupes financières qui lui ont été imposées, cela ne devrait-il pas être également reconnu pour les branches de l’UNRWA dans ses autres pays d’intervention (Cisjordanie, Jordanie, Syrie) ?

Description détaillée

Tareq* est un Palestinien né et ayant grandi dans le camp de réfugié·es de Rashidieh au Sud-Liban, qui se trouve sous la gestion de l’UNRWA (Agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine). Il ne bénéficie que d’un an de scolarité puis, à 10 ans, il commence à travailler comme peintre et pêcheur mais se trouve régulièrement sans emploi et sans moyen de subsistance. Dans le camp de Rashidieh, les tensions entre les organisations politiques rendent les conditions de vie dangereuses, en particulier pour les personnes comme Tareq* qui refusent d’adhérer à une organisation. En 2014, il se fait tirer dessus, la balle l’atteint au ventre. Souhaitant pouvoir vivre en sécurité, Tareq* décide de partir.

Tareq* arrive en Suisse à Zurich où il dépose une demande d’asile en janvier 2022. Puis il décide finalement de se rendre en Allemagne, où il a de la famille. Il est cependant renvoyé en Suisse au nom des accords de Dublin en juin 2023. Sa procédure d’asile reprend donc en Suisse. En février 2024, le SEM constate que le requérant ne remplit pas la qualité de réfugié et rejette sa demande d’asile, au motif de l’invraisemblance et du manque de précision dans son discours. L’autorité ordonne son renvoi vers le Liban.

En mars 2024, avec l’appui d’une mandataire, Tareq* dépose un recours auprès du TAF en invoquant le caractère inexigible de son renvoi du fait de la récente situation dégradée à Gaza et du risque d’aggravation de la crise humanitaire dans les camps de réfugiés alentours, d’autant que l’UNRWA a subi des coupures financières. Il reproche au SEM de n’avoir pas assez pris en compte ce contexte et de se référer à la situation des ressortissant·es libanais·es au Liban et non pas à celle des réfugié·es palestinien·nes. Il rappelle que le statut de réfugié·e palestinien·ne au Liban est limité. Dans sa réplique, le SEM maintient néanmoins qu’un renvoi dans le camp de Rashidieh est raisonnablement exigible.

Dans sa décision de mai 2024 (D-1571/2024), le TAF conclut que le SEM a établi les faits de façon incomplète. Il reconnait l’absence de violence généralisée au Liban, mais indique que la situation au Sud-Liban s’est dégradée depuis le 7 octobre 2023. Le TAF souligne également que le SEM aurait dû prendre en compte la situation financière de l’UNRWA, affectée par de nombreuses coupures budgétaires. À cet égard, le tribunal rappelle que l’UNRWA assume au Liban et dans d’autres pays de la région une fonction similaire à celle d’un gouvernement (scolarisation, soins, gestion de l’infrastructure, etc.) et que sans son soutien, le taux des réfugié·es palestinien·nes au Liban vivant en dessous du seuil de pauvreté monterait à 93% (au lieu des 80% actuels). Par conséquent, le TAF admet partiellement le recours et renvoie l’affaire au SEM pour un établissement complet et correct des faits et une nouvelle décision.

Signalé par: EPER Zurich

Source: ATAF (D-1571/2024)

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