Accès à la justice impossible: malgré une tentative de viol, elle est condamnée pour séjour illégal
Luciana*, ressortissante étrangère, vit sans statut légal à Genève depuis juillet 2019. Elle travaille dans l’économie domestique et loue une chambre dans un appartement en sous-location. En 2024, son colocataire devient violent et tente de l’agresser sexuellement. Après avoir résisté et fui, elle subit du harcèlement et finit par être dénoncée à la police par son agresseur, qui la vole avant de quitter l’appartement. Auditionnée en avril 2025, Luciana* est condamnée pour séjour illégal. Ni la tentative de viol ni le vol ne sont pris en compte. L’agresseur n’est pas poursuivi et le logeur est condamné pour hébergement d’une personne sans statut légal.
Personne concernée (*Prénom fictif): Luciana*
Origine: Amérique latine
Statut: Sans-papiers
Chronologie
2019: arrivée en Suisse (juil.)
2024: tentative de viol (oct.) ; dénonciation pour séjour illégal (nov.)
2025: audition par la police (avr.) ; condamnation pour séjour illégal (juil.)
Questions soulevées
- Le fait de condamner une femme pour séjour illégal alors qu’elle dénonce une agression sexuelle n’est-il pas contraire aux objectifs d’égalité et de protection des victimes prônés par le canton et la confédération ? Ces politiques migratoires ne participent-elles pas ainsi à garder les violences sexuelles et sexistes invisibles et impunies ? Combien de femmes sans-papiers sont-elles mises en danger par cette attitude criminalisante ?
- Alors qu’il est reconnu que pour les femmes* vivant en Suisse légalement la dénonciation d’actes de violences ou de harcèlement sexiste et sexuel n’est pas facile, les femmes* sans-papiers ne subissent-elles pas une double peine, si aucun pare-feu garantissant la prise en compte de leur statut de victime avant tout n’est mis en place?
- Comment se fait-il qu’après six ans de séjour et de travail en Suisse, les seules réponses apportées par les autorités à une victime de violences soient la condamnation et l’expulsion ?
Description du cas
Luciana*, ressortissante d’Amérique latine, arrive à Genève en juillet 2019, sans statut de séjour valable. Elle travaille dans l’économie domestique et sous-loue une chambre dans l’appartement de son logeur. En août 2024, une des autres chambres de l’appartement est louée à un sous-locataire de nationalité européenne. Bien que les débuts soient paisibles, la situation dégénère en octobre. Le sous-locataire commence à avoir un comportement agressif.
Un jour, alors que Luciana* et lui sont seul·es à la maison, il sort de sa chambre en sous-vêtements et lui lance un commentaire sexuel obscène. Il l’attrape et utilise la force pour tenter de la violer. Elle refuse avec force, résiste et parvient à s’enfuir. Il continue par la suite de la harceler avec des messages à caractère sexuel. Craignant d’être expulsée, Luciana* n’ose pas dénoncer son agresseur. À la fin octobre, le sous-locataire est finalement contraint par le logeur de Luciana* de quitter le logement. Avant de partir, il dérobe de l’argent au logeur et à Luciana*.
Le logeur porte alors plainte pour vol. Interpellé en début novembre, l’agresseur dénonce alors en retour Luciana* pour séjour illégal. Celle-ci est auditionnée par la police en avril 2025 et soumise à des pressions pour avouer le nom de ses employeurs. Les policiers ne lui posent en revanche aucune question sur les circonstances de sa dénonciation. Luciana* essaie d’expliquer qu’elle a été victime d’un vol et d’une tentative de viol, sans succès.
Elle reçoit une ordonnance pénale en juillet 2025 qui la condamne pour infraction à l’art 115 de la LEI et elle écope de 70 jours-amende avec un sursis de 3 ans. Elle doit également payer les frais de procédures de 500 francs. Son dossier est transféré au SEM et à l’OCPM pour le prononcé de son renvoi.
Quant à son agresseur, il court toujours. Craignant d’être expulsée, c’est le logeur de Luciana* qui porte plainte pour vol contre cet homme. Néanmoins, au motif d’un manque de preuves, le Ministère public prononce une ordonnance de non-entrée en matière. Pire encore, le logeur de Luciana* se voit à son tour condamné pour avoir hébergé une personne sans papiers.
Signalé par: Syndicat SIT
Source: dossier de presse, ordonnance pénale