Vols spéciaux : Mises en danger et usage disproportionné
de la contrainte constatés

Dans un rapport rendu public le 8 juillet 2013, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) fait état de ses conclusions suite à l’observation de 31 vols spéciaux et de 33 transferts à l’aéroport à cette fin entre juillet 2012 et avril 2013.

Quelques pratiques constitueraient, selon la CNPT, des violations des droits fondamentaux, ou entraîneraient des risques médicaux particulièrement importants.

Vols spéciaux

  La pratique consistant à entraver entièrement des « personnes particulièrement récalcitrantes », puis à les attacher sur une chaise roulante pour être transportées à bord de l’avion est considérée comme « dégradante » (para. 13).

  Le fait de maintenir certaines personnes « attachées à leur siège, entièrement immobilisées, durant toute la durée d’un vol qui s’étend parfois sur plusieurs heures » conduit à un risque accru de thrombose (para. 14).

  Le cas d’une « femme souffrant de troubles psychiques et qui, d’après les informations provenant de l’expertise psychiatrique, souffrait d’une peur panique des représentants des forces de l’ordre de sexe, masculin, a été immobilisée par huit policiers masculins » est jugé « contraire au principe de proportionnalité ». En effet, la situation a dégénéré, ce qui aurait sans doute pu être évité si des policiers femmes avaient exécuté le renvoi (para. 16).

  Le fait qu’un mineur ait été conduit à bord de l’avion ligoté serait, au vu « des circonstances concrètes », de nature à violer la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (para. 17).

  L’administration forcée de médicaments n’est pas admise « dans le seul but de permettre l’exécution du rapatriement ou d’en faciliter le déroulement » ; il doit s’agir d’une situation d’urgence et médicalement justifiée. Or, dans quatre situations, la CNPT estime qu’« on peut s’interroger sur la légalité de l’intervention médicale » (para. 19).

Transferts à l’aéroport

  Les cantons d’Argovie, Valais et Fribourg « optent systématiquement pour une immobilisation complète », sans examen au cas par cas de la proportionnalité de ce type de mesure (para. 24).

  Dans un cas survenu dans le canton de Fribourg, « des policiers en tenue anti-émeute et masqués ont pénétré dans la cellule pour récupérer la personne, alors même que cette dernière n’avait pas été qualifiée de violente ou dangereuse et qu’elle s’était montrée coopérative » (para. 25).

  Dans le canton de Lucerne, la détention d’une famille avec un enfant et un nouveau-né « douze heures durant dans une grande cellule sans fenêtre ni air frais, au sous-sol » est jugé disproportionné, alors que le vol spécial était organisé « en raison d’un test tuberculinique positif non confirmé de la mère » et que la famille coopérait à son renvoi (para. 27).

Source: CNPT 4/2013, [Rapport au Département fédéral de justice et police (DFJP) et à la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) relatif au contrôle des renvois
en application du droit des étrangers de juillet 2012 à avril 2013->http://www.nkvf.admin.ch/content/dam/data/nkvf/berichte_2013/ber_rueckfuehr_2013-07-08-f.pdf] et Communiqué, La CNPT publie son rapport sur le contrôle des renvois, 8 juillet 2013.

Cas relatifs

Cas individuel — 28/11/2023

Parce qu’il séjourne illégalement sur le territoire, il est détenu 16 mois

Jamil* est arrêté à Genève. Il cumule 2 ans et 9 mois de détention pénale puis administrative, sa demande d'asile ayant été rejetée.
Cas individuel — 16/06/2014

Malgré sa collaboration,
l’OCPM le fait arrêter dans ses locaux

Après 10 années passées en Suisse et le rejet définitif de sa demande d’asile, le Togolais « Dodji » est arrêté à l’OCPM en vue de l’établissement d’un laissez-passer et de son renvoi avec épouse et enfants. Saisis, les juges cantonaux jugent cette arrestation disproportionnée.
Cas individuel — 05/11/2012

Un réfugié reconnu passe sept mois
en détention administrative

« Beasrat » demande l’asile en Suisse après avoir vécu dans des conditions d’extrême précarité en Italie, malgré la reconnaissance de sa qualité de réfugié. Refusant d’y retourner, il passe sept mois en détention administrative, non sans séquelles sur sa santé psychique.
Cas individuel — 30/08/2010

Il cherche la sécurité, il trouvera l’exclusion
et les violences policières

« Umar » fuit l’Irak parce qu’il craint d’être assassiné comme son père. Les autorités suisses ne croient pas à son histoire et lui demandent de partir. « Umar », qui ne peut se résoudre à rentrer, reste en Suisse dans un centre d’aide d’urgence puis dans la clandestinité. En 2010, une tentative d’expulsion se solde par des contusions et un pied cassé. Récit d’une exclusion.