Santé des sans-papiers : Disparités et renvois dénoncés par les milieux médicaux

La Plate-forme nationale pour l’accès aux soins de santé aux sans-papiers a publié début décembre 2014 une étude sur la prise en charge et le suivi médical des personnes vivant en Suisse sans permis de séjour. Active depuis 2007, cette Plate-forme regroupe à la fois des institutions publiques et privées et des associations œuvrant dans le domaine.

Dans son état des lieux 2014, qui existe sous forme de brochure et de rapport plus détaillé, la Plate-forme souligne tout particulièrement les écarts cantonaux en matière d’accès universel aux soins primaires et aux mesures de prévention, d’affiliation obligatoire à l’assurance-maladie et d’accès aux subsides.

Par ailleurs, se basant dans une large mesure sur le rapport Renvois et accès aux soins édité par l’ODAE romand et le Groupe sida Genève (voir version détaillée, p. 13-15), la Plate-forme se préoccupe du fait qu’il est très difficile d’obtenir une régularisation lorsqu’on est atteint d’une maladie grave, malgré un long séjour en Suisse et des rapports médicaux alarmants. À ce sujet, la Plate-forme recommande aux autorités de :

« Faciliter l’octroi d’un permis de séjour humanitaire aux migrants souffrant de maladies graves déjà soumis à un traitement en Suisse et dont l’interruption peut représenter des risques graves pour la santé et la vie du patient. Cette dernière condition doit être préférée à l’analyse documentée de la possibilité d’être traité dans le pays d’origine. »

Sources : Plate-forme nationale pour l’accès aux soins de santé aux sans-papiers, Accès aux soins des populations vulnérables en Suisse. Situation et recommandations 2014, Brochure et Rapport (version détaillée). Voir également le Communiqué du 9 décembre 2014.

Cas relatifs

Cas individuel — 04/03/2025

Renvoi Dublin vers la Croatie: le TAF reconnait que le SEM fait fi de l’avis des médecins

Le SEM refuse d’entrer en matière sur la demande d’asile de Ahmad*, originaire d’Afghanistan, au motif que la Croatie serait l’État responsable de sa prise en charge (art.31a LAsi ; règlement Dublin III). Ahmad* passe les six mois de son délai de renvoi Dublin dans l’angoisse, connait plusieurs épisodes d’hospitalisation notamment en raison d’une tentative de suicide. Début novembre 2023, Ahmad* demande au SEM d’entrer en matière sur sa demande d’asile au vu du fait que le délai de son transfert est échu. Mais le SEM refuse et Ahmad* dépose un recours auprès du TAF. Dans son arrêt du 21 juin 2024, le tribunal constate qu’Ahmad* a été hospitalisé à plusieurs reprises, ce dont le SEM avait été dument informé, et qu’au vu des motifs d’hospitalisation, il ne saurait être retenu contre lui de s’être fait hospitaliser volontairement pour échapper au renvoi. Le TAF estime qu’ «en laissant entendre que le recourant aurait provoqué ses hospitalisations pour empêcher son transfert en Croatie, le SEM fait fi des avis des médecins ayant ordonné celle-ci». Enfin, le tribunal souligne que rien n’indique qu’Ahmad* ait tenté d’échapper aux autorités, puisqu’il a été informé de sa dernière convocation après son retour de l’hôpital. Il admet le recours et annule la décision du SEM de décembre 2023 en l’invitant à reconnaître la responsabilité de la Suisse pour examiner la demande d’asile d’Ahmad*.
Cas individuel — 02/07/2014

Un adolescent malade ne peut pas rejoindre sa mère en Suisse

« Gautier », adolescent ivoirien atteint d’une tumeur, se voit refuser le regroupement familial avec sa mère « Sandrine », leur demande étant considérée comme tardive. Les autorités suisses soutiennent par ailleurs que les problèmes de santé de « Gautier » peuvent être pris en charge en Côte d’Ivoire, malgré les nombreux certificats médicaux affirmant le contraire.
Cas individuel — 03/07/2013

Après 20 ans en Suisse, « Houria » se voit réattribuer un statut précaire

« Houria » et sa fille mineure voient leur permis B remplacé, après dix années, par une admission provisoire. Le Tribunal cantonal vaudois, qui reconnaît les efforts d’« Houria » pour trouver un emploi, estime néanmoins que sa détresse psychologique et l’incapacité totale de travailler qui en résulte ne justifient pas sa dépendance à l’aide sociale.
Cas individuel — 20/12/2011

Une rescapée de Srebrenica est renvoyée
malgré de graves problèmes psychiques

« Halida », rescapée du massacre de Srebrenica, demande l’asile en Suisse en 2000 alors qu'elle a à peine 18 ans. 11 ans plus tard, malgré ses troubles psychiques et la naissance d'un bébé, l’ODM puis le TAF vont prononcer son renvoi (et celui de son nouveau-né) vers la Bosnie. Elle n'y a pourtant quasiment plus de repères ni de réseau familial ou social.