Révision de la loi sur la nationalité : tour de vis pour les aspirants Suisses adopté

Le Parlement fédéral a approuvé le 20 juin dernier la révision de la loi sur la nationalité suisse. Une conférence de conciliation a été nécessaire afin de trouver un compromis entre les deux chambres fédérales sur plusieurs dispositions controversées, notamment la durée de résidence en Suisse, la question des années avec une admission provisoire et les bonus offerts aux jeunes.

Le texte retenu constitue un durcissement par rapport à la situation actuelle. La durée de séjour requise pour pouvoir déposer une demande a certes baissé de 12 à 10 ans, mais il est désormais nécessaire d’être titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C). Selon un rapport de la Commission fédérale pour les questions de migrations, entre 1992 et 2010, 15% des naturalisations ont été prononcées pour des personnes ayant des permis B ou F. La nouvelle exigence de permis C risque de barrer la voie notamment à nombre de jeunes ayant passé la majorité de leur vie en Suisse, voire nés en Suisse, mais dont le statut de séjour peut varier en fonction de celui de leurs parents. Voir à ce sujet le cas de l’adolescente « Esma », qui selon la loi actuelle aurait pu sous peu demander la nationalité suisse, indépendamment de son permis F lié à celui de sa mère.

Le temps vécu en Suisse entre 8 et 18 ans comptera double, ce qui est le cas pour les années entre 10 et 20 ans actuellement. Les années passées en Suisse au titre d’un permis F compteront en revanche seulement pour la moitié, malgré le fait que le statut précaire de l’« admission provisoire » – accordé par exemple aux personnes ayant fui une situation de violence généralisée, comme les Syriens – ait le plus souvent vocation à devenir permanent, comme l’a récemment rappelé le Comité pour L’Elimination de la Discrimination Raciale (voir notre brève du 25.03.2014).

En ce qui concerne les exigences d’intégration, il est désormais requis de pouvoir communiquer dans une langue nationale à l’oral et à l’écrit, ce qui exclut de facto de nombreux adultes – notamment des femmes – n’ayant pas eu accès à une éducation formelle dans leur pays. Enfin, les candidats au passeport suisse ne devront plus uniquement démontrer qu’ils sont eux-mêmes intégrés dans la société, mais également qu’ils encouragent et soutiennent l’intégration des membres de leur famille.

La Suisse compte, en pourcentage, beaucoup moins de naturalisations que la moyenne des pays européens, les critères étant exigeants et la procédure longue et contraignante. Le nombre de naturalisations est d’ailleurs en baisse depuis 2005.

Sources :

Loi sur la nationalité suisse, Projet de la Commission de rédaction pour le vote final, 19.06.2014

ATS, Naturalisations – Le Parlement met la réforme sous toit, 19.06.2014

Swissinfo.ch, Obtenir le passeport suisse reste une course d’obstacles, 21.06.2014

Commission fédérale pour les questions de migration, La naturalisation en Suisse, 2012.

Pour plus d’informations, voir le site du Parlement, Loi sur la nationalité. Révision totale, documents et procès-verbaux.

Cas relatifs

Cas individuel — 22/02/2011

L’ODM lui retire sa nationalité, car il estime que ses 8 ans de mariage étaient bidons

En 2006, après six ans de mariage avec une suissesse, « Abdel », originaire du Maroc, obtient la naturalisation facilitée. En 2008, après huit ans de mariage le couple divorce, ce qui conduit l’ODM à annuler, en 2010, la naturalisation d’« Abdel », car il le soupçonne d’avoir fraudé.