Quand la précarité devient un danger aux yeux des institutions

Genève, 30.09.2025 – Le 29 juillet, un couple issu de la communauté rom, installé provisoirement par le Service de protection des mineurs (SPMI) dans un hôtel genevois, subit la visite d’une dizaine d’officiers de police venu·es leur retirer la garde de leur nourrisson de deux semaines.

Saisi par le SPMI, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a en effet validé la demande de placement sans entendre les parents. Il a retenu trois éléments concernant le couple: leur absence de statut légal en Suisse, l’absence de logement et le manque de préparation matérielle à la naissance. Le Tribunal a ordonné le retrait de la garde, le placement de l’enfant et chargé le SPMI d’organiser son rapatriement, seul, en France. Les autorités françaises ont toutefois rapidement décliné leur compétence: l’enfant est né à Genève, n’a jamais vécu en France et ses parents n’ont aucun statut légal là-bas. 

Pour l’avocate de la famille, Me Iris Pfyffer, cette décision reflète une confusion entre précarité et danger réel: les parents ont été jugés adéquats à la maternité, mais leur situation (sans papiers, sans logement, Roms) a conduit au placement de l’enfant. Selon elle, d’autres solutions, comme un hébergement ou un suivi éducatif, auraient pu être envisagées. Grâce au soutien d’associations, la famille a pu obtenir un logement stable. Le SPMI a alors proposé le retour provisoire de l’enfant avec accompagnement éducatif, validé par le Tribunal. Une audience à venir doit encore statuer sur la situation de façon définitive.

Dans le sillage des constats soulevés par l’ODAE romand dans le cadre de son dernier rapport, cette situation illustre les limites de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant lorsque des politiques migratoires entrent en jeu.

Source: le Courrier,«Retrait contesté d’un bébé rom à Genève», 29.09.2025.

Voir également: ODAE romand, «Familles séparées, enfances précaires. L’impact des politiques migratoires sur les enfants étranger·ères», rapport, 30.09.2025.

Cas relatifs

Cas individuel — 24/07/2025

Reconnue invalide, elle reçoit une révocation d’autorisation de séjour et un refus de regroupement familial

Ximena* arrive en Suisse en septembre 2019. Elle trouve un emploi à 100%, et obtient, sur cette base, un permis B UE/AELE. Peu de temps après, elle dépose une demande de regroupement familial en faveur de son mari et de ses fils, âgés respectivement de 12 et 5 ans. En mars 2020, par suite d’un AVC, elle se retrouve en incapacité totale de travail. Malgré la reconnaissance de son invalidité par l’AI qui lui octroie une rente, les autorités migratoires lui refusent le droit de demeurer au motif que Ximena n’avait pas résidé en Suisse au moins deux ans avant la survenance de son invalidité. Son permis est ainsi révoqué et la demande de regroupement familial déposée en faveur de ses enfants des années plus tôt est refusée (l’époux est entre-temps retourné en Espagne suite à leur divorce). Tous les trois doivent quitter la Suisse.
Cas individuel — 15/07/2025

La Suisse reproche à deux enfants seuls de ne pas avoir franchi une frontière pour déposer leur demande de regroupement familial dans les délais

Esther* arrive en Suisse en 2012, à l’âge de 17 ans et demi, et obtient une admission provisoire (permis F). En partant, elle a été contrainte de laisser ses deux fils en Somalie. Elle obtient un permis B par mariage en 2015. Un délai de cinq ans s’ouvre alors pour demander un regroupement familial en faveur de ses fils, mais ceux-ci n’ont pas le droit de se rendre seuls au Kenya, où se trouve la seule ambassade suisse habilitée à enregistrer la demande. Ce n’est qu’en 2024, lorsque leur tutrice décide de déménager au Kenya et de les emmener avec elle, qu’ils peuvent alors déposer officiellement la demande. Les autorités cantonales rendent un préavis négatif au motif que la demande est tardive. Esther* fait alors valoir l’existence de raisons personnelles majeures – ses enfants allant bientôt être livrés à eux-mêmes - justifiant un regroupement familial tardif. La demande est toujours en cours.
Cas individuel — 14/04/2025

«Mes enfants sont terrorisés. Je ne sais plus quoi faire ni comment arrêter ce calvaire.»

Léonie*, ressortissante Burundaise, est victime de persécutions dans son pays. En juin 2022, elle demande l’asile en Suisse avec ses trois enfants. Leur demande est rejetée en 2023 par le SEM puis par le TAF. La famille subit alors un véritable harcèlement policier: alors que Léonie* est hospitalisée en psychiatrie, son fils est arrêté à leur domicile pour être détenu à l’aéroport puis relâché. Sa fille aînée est également arrêtée à deux reprises, emmenée à l’aéroport puis relâchée. Enfin, la fille cadette se retrouve hospitalisée en psychiatrie, dans un état de choc, après que des agents ont essayé de l’arrêter au cabinet de sa psychologue. Malgré ces arrestations à répétition, Léonie* et ses enfants demandent le réexamen de leur décision d’asile, en raison d’éléments nouveaux survenus au Burundi et de l’état de santé de Léonie* qui se dégrade. Le SEM suspend l’exécution du renvoi de cette dernière, mais refuse de réexaminer la demande des enfants, désormais tous trois majeurs.
Cas individuel — 11/02/2025

Mineure, elle obtient une transformation de permis F en B pour respect de la vie privée

Dara* est au bénéfice d’une admission provisoire depuis près de 7 ans lorsqu’elle dépose une demande d’autorisation de séjour, rejetée par le canton. Dara* interjette alors un recours auprès de la Cour administrative cantonale, puis du Tribunal fédéral (TF). Bien que mineure, le TF lui reconnait la possibilité de faire une telle démarche sans passer par ses représentant·es légaux·ales. Le TF admet ensuite le recours et renvoie la cause au SPoMI pour délivrance d’une autorisation de séjour (permis B).