Demandes de regroupement familial rejetées à tort

Suisse, 04.07.2023 – La Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) estime que la Suisse a violé l’article 8 de la CEDH lors du rejet des demandes de regroupement familial de trois ressortissantes érythréennes et un ressortissant chinois d’origine tibétaine, en raison de leur dépendance à l’aide sociale. Dans son communiqué de presse, la CourEDH alerte au sujet d’une imposition inflexible de la condition de non-dépendance à l’aide sociale dans le cas où «le réfugié n’est pas en mesure de satisfaire aux conditions de revenus alors qu’il a fait tout ce qui était raisonnablement possible pour assurer son indépendance financière» et qui peut «potentiellement conduire à la séparation permanente des familles.»

Les requérant·exs entré·exs en Suisse entre 2008 et 2012 avaient reçu le statut de réfugié, ne bénéficiant toutefois pas de l’asile mais d’une admission provisoire. Le communiqué de presse de la CourEDH se concentre sur la violation commise par les autorités suisses en refusant de leur accorder le regroupement familial, en vertu de la marge d’appréciation dont elles jouissent. En effet, les autorités suisses ont déterminé que l’absence de dépendance de l’aide sociale n’était pas remplie et ont refusé le regroupement familial. Comme le souligne la CourEDH, les autorités «n’ont pas ménagé un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt des requérants à être réunis avec les membres de leur famille proche en Suisse et, d’autre part, l’intérêt de la collectivité dans son ensemble à maîtriser l’immigration afin de protéger la prospérité économique du pays.»

La question de la dépendance à l’aide sociale comme motif pour refuser une demande de regroupement familial est en effet questionnable. Récemment, le Conseil des États a d’ailleurs accepté un assouplissement pour les étranger·èrexs en Suisse, qui séjourneraient dans le pays depuis plus de 10 ans et seraient en danger d’expulsion s’ils·elles sont au bénéfice de l’aide sociale.

Source :  CourEDH, Les tribunaux ont rejeté à tort les demandes de regroupement familial des réfugiés en invoquant leur dépendance à l’aide sociale , 04.07.2023 ; Assemblée fédérale, Le Conseil des Etats plie sur l’aide sociale aux étrangers, 12.06.2023.

Voir également : OSAR, Enfants en quête de protection : la Suisse a des devoirs, 2022 ; ODAE romand, Aide sociale et permis de séjour en temps de coronavirus, dossier thématique Panorama n°1, 01.06.2021.

Cas relatifs

Cas individuel — 15/07/2025

La Suisse reproche à deux enfants seuls de ne pas avoir franchi une frontière pour déposer leur demande de regroupement familial dans les délais

Esther* arrive en Suisse en 2012, à l’âge de 17 ans et demi, et obtient une admission provisoire (permis F). En partant, elle a été contrainte de laisser ses deux fils en Somalie. Elle obtient un permis B par mariage en 2015. Un délai de cinq ans s’ouvre alors pour demander un regroupement familial en faveur de ses fils, mais ceux-ci n’ont pas le droit de se rendre seuls au Kenya, où se trouve la seule ambassade suisse habilitée à enregistrer la demande. Ce n’est qu’en 2024, lorsque leur tutrice décide de déménager au Kenya et de les emmener avec elle, qu’ils peuvent alors déposer officiellement la demande. Les autorités cantonales rendent un préavis négatif au motif que la demande est tardive. Esther* fait alors valoir l’existence de raisons personnelles majeures – ses enfants allant bientôt être livrés à eux-mêmes - justifiant un regroupement familial tardif. La demande est toujours en cours.
Cas individuel — 14/04/2025

«Mes enfants sont terrorisés. Je ne sais plus quoi faire ni comment arrêter ce calvaire.»

Léonie*, ressortissante Burundaise, est victime de persécutions dans son pays. En juin 2022, elle demande l’asile en Suisse avec ses trois enfants. Leur demande est rejetée en 2023 par le SEM puis par le TAF. La famille subit alors un véritable harcèlement policier: alors que Léonie* est hospitalisée en psychiatrie, son fils est arrêté à leur domicile pour être détenu à l’aéroport puis relâché. Sa fille aînée est également arrêtée à deux reprises, emmenée à l’aéroport puis relâchée. Enfin, la fille cadette se retrouve hospitalisée en psychiatrie, dans un état de choc, après que des agents ont essayé de l’arrêter au cabinet de sa psychologue. Malgré ces arrestations à répétition, Léonie* et ses enfants demandent le réexamen de leur décision d’asile, en raison d’éléments nouveaux survenus au Burundi et de l’état de santé de Léonie* qui se dégrade. Le SEM suspend l’exécution du renvoi de cette dernière, mais refuse de réexaminer la demande des enfants, désormais tous trois majeurs.
Cas individuel — 11/02/2025

Mineure, elle obtient une transformation de permis F en B pour respect de la vie privée

Dara* est au bénéfice d’une admission provisoire depuis près de 7 ans lorsqu’elle dépose une demande d’autorisation de séjour, rejetée par le canton. Dara* interjette alors un recours auprès de la Cour administrative cantonale, puis du Tribunal fédéral (TF). Bien que mineure, le TF lui reconnait la possibilité de faire une telle démarche sans passer par ses représentant·es légaux·ales. Le TF admet ensuite le recours et renvoie la cause au SPoMI pour délivrance d’une autorisation de séjour (permis B).