La Suisse ignore la jurisprudence de la CourEDH et renvoie un père de famille étranger
Le Tribunal fédéral vient de confirmer la décision de renvoi d’un père de famille kosovar reconnu coupable de tentative de trafic de drogue. Intervenue peu après une nouvelle condamnation de la Suisse par la CourEDH dans un cas similaire, la décision du TF peut paraître surprenante. En effet, le Tribunal relativise « fortement » l’arrêt de la CourEDH, Udeh c. Suisse, car celui-ci tient compte de faits postérieurs à la décision fédérale attaquée. Ensuite, le TF effectue une pesée des intérêts qui semble s’éloigner en partie de celle de la CourEDH dans son arrêt d’avril 2013. En effet, selon la Cour, « le fait que le requérant a commis une seule infraction grave et que son comportement ultérieur a été irréprochable […] laisse supposer une évolution positive pour l’avenir ». Ainsi, l’intérêt public ne serait a priori plus menacé par sa présence en Suisse.
Le TF ne semble pas juger cet élément de la même façon. Marié à une compatriote au bénéfice d’un permis C avec laquelle il a 3 enfants, le ressortissant kosovar avait été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour dès 2007. En 2009, suite à une condamnation à 15 mois de prison avec sursis, il se voit refuser le renouvellement de son permis. Depuis, il a créé une entreprise et n’a plus commis de délit. Bien qu’elle vive en Suisse depuis ses 15 ans, son épouse pourrait, selon le TF, s’installer avec son mari et leurs enfants au Kosovo.
Le Nigérian dont le cas avait été porté devant la CourEDH avait, lui, été condamné à 42 mois d’emprisonnement, également pour trafic de drogue, et effectué 17 mois ferme. D’un autre côté, ses enfants étant suisses, ces derniers ne pouvaient être tenus de suivre le père dans son pays, notamment depuis la séparation du couple.
Ces décisions viennent rappeler l’importance d’un examen individualisé de toute situation où le renvoi peut entraîner une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale (art. 8 CEDH), y compris lorsqu’un étranger a commis une infraction grave.
Sources : Tribunal fédéral, arrêt 2C_365/2013 du 30 août 2013 ; CourEDH, Udeh c. Suisse, arrêt du 16 avril 2013 ; ODAE romand, brèves du 24 avril et 11 septembre 2013.